Revue de presse

"Les agressions antisémites d’Amsterdam n’avaient rien d’imprévisible" (M. Bock-Côté, Le Figaro, 9 nov. 24)

(M. Bock-Côté, Le Figaro, 9 nov. 24). Mathieu Bock-Côté, universitaire, docteur en sociologie, essayiste, chroniqueur au "Figaro" 9 novembre 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Mathieu Bock-Côté : « Les agressions antisémites d’Amsterdam n’avaient rien d’imprévisible »

Par Mathieu Bock-Côté

Le commun des mortels, vendredi matin, s’est probablement pincé en apprenant que le gouvernement Netanyahou avait dû mener une opération aérienne d’urgence aux Pays-Bas pour rapatrier les supporteurs israéliens lynchés au cri de « Free Palestine » à la suite d’un match de l’équipe de Tel-Aviv contre l’Ajax d’Amsterdam. Le gouvernement néerlandais n’avait-il rien vu venir ? C’est possible, mais à condition de croire, ce qui est hélas tout à fait plausible, qu’il n’a rien voulu entendre des mises en garde nombreuses de possibles nouveaux pogroms en Europe.

Les élites européennes ont adhéré fanatiquement à la théorie du vivre-ensemble multiculturel. Aujourd’hui, les Juifs se font tabasser dans les rues d’Amsterdam. À Londres, on a mis en place une ligne d’autobus qui leur est spécifiquement destinée, pour assurer leur sécurité. Ils ont recours aussi à des services privés pour assurer leur sécurité. En France, plusieurs vivent désormais en nouveaux marranes. D’ailleurs, tous redoutent le match de la semaine qui vient entre la France et Israël, au point même où plusieurs ont voulu le délocaliser, ce que refuse Bruno Retailleau, qui voit dans une telle éventualité une capitulation du pays devant l’islamisme conquérant.

Mais ces événements ne seront pas adéquatement racontés si on parle d’un « retour de l’antisémitisme », à la manière d’une bête toujours renaissante. L’antisémitisme historique européen est aujourd’hui éradiqué, sauf à gauche de la gauche, qui est passée de l’antisémitisme anticapitaliste à l’antisémitisme décolonial, et en appelle à la destruction d’Israël et à la fin de la souveraineté juive, dernière étape apparemment indispensable au démantèlement de l’impérialisme d’antan. L’antisémitisme ne revient pas, il arrive, dans les bagages de l’immigration. On pourrait presque en faire une loi : un pays devient aujourd’hui antisémite au rythme où il s’islamise.

Le communautarisme est devenu conquérant. La constitution de républiques islamiques intérieures correspond à l’établissement de nouveaux territoires sans Juifs. C’est une logique éradicatrice qui se déploie, comme en témoigne l’approbation du 7 Octobre chez les islamistes d’Europe. On ajoutera même que la fonction symbolique du peuple juif s’inverse en Europe. On avait l’habitude de dire que les Juifs étaient la minorité de référence, et que leur persécution annonçait toujours celles des autres minorités. Leur persécution annonce désormais celle des peuples historiques européens – on pourrait dire autrement que l’antisémitisme est devenu la pointe avancée du racisme antiblanc.

La gauche républicaine a longtemps cru qu’on pouvait dissocier la question de l’immigration et de l’assimilation. C’était une manière de garder les mains propres. Plus elle était républicaniste, plus elle était immigrationniste. Elle s’imaginait donc qu’il était possible de faire venir en France de grands contingents de populations profondément étrangères à la civilisation européenne, qu’il suffirait de transformer une fois sur place avec un robuste discours sur la laïcité. Elle ajoutait souvent à cette rhétorique une dénonciation rituelle de ce qu’elle appelait l’extrême droite, dont le discours se caractériserait par une thèse forte : il existe une telle chose, à grande échelle, que l’incompatibilité culturelle. Mais c’était pourtant une réalité, comme l’avait d’ailleurs noté Hassan II, dès 1993, dans un entretien avec Anne Sinclair, que l’on s’est empressé d’oublier.

Le réel reprend ses droits : on peut assimiler des individus, mais pas des peuples. On ajoutera : encore moins une civilisation animée par un inconscient collectif revanchard, ce que ne comprennent pas les audacieux qui célèbrent al-Andalus, en croyant ainsi amadouer ceux qui s’installent ici sans avoir été invités, alors qu’ils n’y verront qu’un signe supplémentaire de soumission. L’antisémitisme a son avenir devant lui en Europe.

Les proclamations martiales de ceux qui se veulent les protecteurs des Juifs d’Europe, contre ceux qui voudraient parachever leur destruction, ne pourront pas grand-chose devant la loi d’airain de la démographie. À moins de n’entreprendre une forme de reconquête intérieure qui semble inimaginable aux partis hypnotisés par une conception paralysante de l’État de droit.

On comprend qu’ils soient nombreux, chez les Juifs d’Europe, à se poser depuis un temps la question de leur alyah. Elle ne répond plus d’abord au désir d’une vie collective pleinement juive, mais à une simple question de survie. De ce point de vue, Israël n’est plus seulement l’État-nation du peuple juif, ce qui est sa vocation historique, ce qui est le principe de sa légitimité et de sa restauration, au terme d’un trop long exil, mais aussi un État sanctuaire, comme si ailleurs dans le monde, la persécution du peuple juif ne devait jamais cesser.

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