Revue de presse

Le candidat des privilégiés peut-il l’emporter sur celui des classes populaires ? (E. Dupin, slate.fr , 6 av. 17)

8 avril 2017

"Le profil sociologique de l’électorat Macron est le symétrique presque parfait de celui de Le Pen : aisé, cadre, éduqué, urbain. Devenu le candidat du « cercle de la raison », l’ancien ministre de l’Economie risque dès lors un second tour difficile avec la candidate d’extrême droite.

[...] On imagine difficilement des profils sociologiques plus opposés que ceux des électorats de Le Pen et de Macron. [...]

La polarité sociologique des votes Le Pen et Macron trouve une large partie de son explication dans la claire opposition de leurs options idéologiques. Les deux candidats se situent à des pôles antagonistes à la fois sur la dimension du libéralisme économique et sur celle du libéralisme culturel. On comprend que le libéral-libertaire Daniel Cohn-Bendit se retrouve aux côtés du candidat marcheur.

C’est donc sans surprise que ces deux candidats se choisissent mutuellement comme adversaires principaux. La dirigeante du FN rêve d’affronter un « mondialiste décomplexé », ancien représentant de la « caste » qu’elle prétend combattre. L’ancien ministre de l’Economie estime en écho que le vrai clivage oppose tenants de « l’ouverture » et de la « fermeture », « patriotes » contre « nationalistes ». [...]

Tout ceci nous amène à un immense paradoxe. Chacun s’accorde à décrire une France quasi-dépressive, embourbée dans une crise interminable, abritant une population oscillant entre l’abattement et la révolte. Et ce serait ce même pays, aux innombrables sujets de mécontentement, qui s’apprêterait à couronner le candidat de l’espoir entrepreneurial, de la relance européenne et des opportunités de la mondialisation ?

La France qui avait voté « non » en 2005 au traité constitutionnel européen, contre l’avis quasi-unanime des élites, se donnerait en 2017 au champion du « cercle de la raison » ? C’est ainsi que l’inévitable conseiller de l’establishment, Alain Minc, avait qualifié les personnes « raisonnables » qui suivaient Edouard Balladur pendant la campagne présidentielle de 1995.

Balladur ne fut pas élu et Minc jeta, en 2007 et 2012, son dévolu sur Nicolas Sarkozy, faux populiste s’il en est, après avoir soutenu François Bayrou en 2002. Avec une certaine cohérence, l’essayiste de la « mondialisation heureuse » se prononce aujourd’hui en faveur de Macron après avoir défendu Alain Juppé lors de la primaire de la droite.

Le soutien de la cohorte des gens raisonnables n’est toutefois pas gage de succès dans un pays exaspéré comme le nôtre. Il est d’ailleurs probable que le profil sociologique macronien deviendra plus étroit encore au fur et à mesure que les électeurs attentistes, qui se réfugient traditionnellement dans les intentions de vote de type centristes, l’abandonneront. C’est dire si un hypothétique duel Le Pen-Macron risquerait d’être serré."

Lire "La sociologie sème le doute sur une victoire finale de Macron".



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