27 mai 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’islamologue menacée Florence Bergeaud-Blackler sera reçue par trois ministres ce mardi 23 mai. L’exécutif veut être ferme face à la menace islamiste tout en refusant d’en faire « un objet politique ».
Bernard Gorce
Lire "« Islamo-gauchisme » : la majorité ne veut pas raviver le débat à l’université".
Signe que la situation est prise très au sérieux, l’islamologue Florence Bergeaud-Blackler, qui a été placée sous protection policière, sera reçue ce mardi 23 mai par trois ministres : Sylvie Retailleau, chargée de l’enseignement supérieur, et ses collègues de l’intérieur, Gérald Darmanin, et de la citoyenneté, Sonia Backès.
« Il n’y a pas le moindre doute sur le soutien du ministère et notre condamnation la plus ferme des menaces » à son encontre, assure l’entourage de Sylvie Retailleau. Depuis la publication en janvier de son livre enquête sur l’influence des Frères musulmans en Europe, l’islamologue est la cible d’attaques.
Une conférence annulée
L’annulation d’une conférence qu’elle devait donner à la Sorbonne, le 12 mai dernier, a suscité un vif émoi, certains y voyant une capitulation face aux menaces islamistes, même si l’université a précisé que, pour des raisons de sécurité en pleine semaine d’examens, la conférence n’était que reportée au 2 juin.
La polémique n’en a pas moins réveillé le débat sur un supposé « islamo-gauchisme » à l’université, thème mis en avant par les précédents ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal. En octobre 2021, un an après l’assassinat du professeur Samuel Paty, ils dénonçaient la compromission d’une partie des universitaires et d’associations étudiantes qui renoncent à condamner l’islamisme au nom de la non-stigmatisation de l’islam. Les polémiques sur le campus de Sciences Po Grenoble ou encore la plainte pour islamophobie déposée contre une professeure de droit à Aix-en-Provence [1] avaient alors révélé un climat de grande tension.
Sylvie Retailleau n’entend pas rallumer cette guerre. « On n’admettra pas la moindre brèche dans la liberté académique, assure encore le cabinet de Sylvie Retailleau. Mais il n’y aura pas de grande offensive, on traitera les problèmes au cas par cas. »
L’universitaire Gilles Denis reconnaît que le climat a changé depuis 2016, année où il a cofondé le réseau « Vigilance universités » (qui rassemble environ 300 universitaires et auquel appartient Florence Bergeaud-Blackler) dans un contexte de regain d’antisémitisme et d’annulation d’événements culturels et de colloques. « On ne se fait plus lyncher, traiter d’islamophobes comme c’était alors le cas », souligne-t-il. Il se félicite de la mise en place de référents laïcité dans l’enseignement supérieur comme dans toutes les administrations, mais reste plus critique vis-à-vis de la conférence des présidents d’université (aujourd’hui renommée France Universités), dont il déplore le manque d’engagement. « On reste sans nouvelle d’une demande de rendez-vous présentée il y a deux mois. » Une situation qu’il regrette d’autant plus qu’il dit observer un « retour des attitudes agressives dans le monde universitaire depuis quelques mois ».
Sylvie Retailleau a fait toute sa carrière dans l’université et connaît très bien le terrain. « On ne fera pas l’autruche, mais on ne va pas non plus surjouer la difficulté en en faisant un objet politique », assure son entourage, alors qu’une partie de la droite et de l’extrême droite tente de fragiliser la majorité en ciblant le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, dans le rôle d’un promoteur du wokisme.
Les réseaux fréristes mieux surveillés
Quant à Gérald Darmanin, il est accaparé aujourd’hui par d’autres priorités, en particulier son projet de loi sur l’immigration. Au cabinet du ministre de l’intérieur, on souligne surtout que le contexte a changé. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, il y a eu l’adoption de la loi sur le séparatisme, à l’été 2021, qui a engagé une mobilisation de tout l’appareil d’État pour renforcer le contrôle sur les réseaux – écoles, mosquées, associations – de la mouvance frériste. « Beaucoup sont rentrés dans le rang », relève l’entourage du ministre, même si l’on joue la prudence, notant la réapparition de « quelques signes inquiétants depuis six à neuf mois. »"
[1] Le parquet vient de rendre une ordonnance de non-lieu concernant cette universitaire qui devrait être prochainement suivie par le juge d’instruction.
Voir aussi VIDEO Webinaire "Le frérisme et ses réseaux, l’enquête", avec Florence Bergeaud-Blackler (CLR, 23 mars 23), le Colloque du CLR "L’université sous influence" (Paris, 15 juin 2019), le Colloque du CLR « Laïcité et enseignement supérieur » (Paris, 30 mai 15),
dans la Revue de presse le dossier Le Frérisme et ses réseaux. L’Enquête, de Florence Bergeaud-Blackler dans Frères musulmans dans la rubrique Islamisme,
le dossier La Croix "Islam : l’impossible débat à l’université" (23 mai 23) dans Censures à l’université dans Enseignement supérieur, "Islamo-gauchisme" dans Gauche et islamisme dans Gauche (note du CLR).
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