12 avril 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Laurent Dubreuil, La Dictature des identités, Gallimard, 2019, 128 p., 14,50 e.
"[…] Dans ces lieux, chaque individu est porteur d’une identification prédéterminée. Il devra la porter toute sa vie telle une croix, à charge pour lui d’en tirer les conséquences morales qui s’imposent pour rester dans le camp qui lui est d’office attribué, avec son lot de souffrance, mais aussi de révolte si les autres ont une phrase malheureuse ou un geste ambigu. C’est qu’on ne rigole pas avec l’affectation identitaire, marquée dans l’âme de chacun comme un tatouage indélébile sur le corps.
En effet, tout peut s’identitariser : la couleur de peau, l’ethnie, le sexe, le genre, l’âge, les capacités physiques ou intellectuelles, les religions… Les différences de classe aussi, mais, dans la lecture identitaire, elles passent plutôt par profits et pertes. Elles sont supplantées par les autres, lesquelles entrent dans un luxe de sophistication byzantine. Il se forme alors ce que l’auteur appelle un « paradigme politique », équivalent à un dogme religieux. Ainsi se constituent des tribus refermées sur leurs afflictions présumées ou leurs prérogatives revendiquées, à l’inverse d’un peuple riche de ses différences, comme dans l’universalisme républicain.
Ce dernier modèle est généralement voué aux gémonies par les partisans de communautés où l’on ne peut entrer qu’à condition de montrer patte blanche (encore que ce soit une couleur plutôt déconseillée) et de prouver qu’on est comme ci ou comme ça jusqu’à la nuit des temps, sans possibilité d’évolution, comme une assignation à résidence éternelle à défendre contre les autres, qui sont forcément des adversaires. Dans cette logique infernale, pour une femme, tous les hommes sont des ennemis, comme le sont les hétéros pour les gays, les Blancs pour les Noirs, et ainsi de suite.
Pour Laurent Dubreuil, « la politique d’identité conforte l’avènement d’un despotisme démocratisé, où le pouvoir autoritaire n’est plus entre les seules mains du tyran, du parti ou de l’Etat, mais à la merci d’individus manufacturés que traversent des types de désirs totalitaires ». Pourtant, les êtres humains ne sont en rien déterminés à jamais par de pseudo-identités. Le passé et le donné ne ferment en rien les portes d’un avenir qui n’est jamais écrit par avance. Encore faut-il s’opposer à un enfermement identitaire qui est une prison où certains se comportent à la manière des adeptes de la servitude volontaire jadis dénoncés par La Boétie."
Lire "Laurent Dubreuil, la "dictature des identités" et "la logique du ghetto nouveau"".
Lire aussi "La politique de l’identité, un « despotisme démocratisé »" (E. Bastié, Le Figaro, 21 mars 19) (note du CLR).
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