30 novembre 2009
Les électeurs suisses ont voté. Près de 60 % ont dit non à la construction de minarets !! Tous des fascistes ? Qui connait les rives du Léman sait que les Helvètes ne sont ni tous banquiers, ni tous xénophobes. Ce sont là des stéréotypes qu’en France on aime tant coller à nos voisins, belges, anglais, italiens... Que le référendum d’initiative populaire ait été lançé et exploité par un parti populiste, que la question « faut-il interdire les minarets » soit en soi scandaleuse – on imagine ce qui aurait été dit si au lieu de minarets on avait parlé de clochers !! – n’ôte rien au message qui claque au visage de tous les bien-pensants qui ne veulent y voir que l’expression d’un racisme contre les musulmans.
Car ce vote, inacceptable en ce qu’il stigmatise des hommes pour leur foi, constitue un syndrome d’une grave crise des démocraties occidentales que nous aurions bien tort de ne pas prendre en compte.
Que certains électeurs suisses soient attirés par une définition de la nationalité helvète en termes de couleur de peau, de religion, de mœurs communes, est vraisemblable. De la même façon que certains de nos concitoyens considèrent qu’un bon français doit être blanc, catholique, apostolique et romain ! Mais s’en tenir là c’est accepter que le minaret cache la forêt.
Il faut entendre les peuples lorsqu’ils parlent, plutôt que de leur asséner qu’ils ont tort lorsque leur message va à l’encontre de celui prodigué par les médias et les élus. Ce fut le cas pour le suffrage sur le Traité européen où l’on a fait revoter ces « nigauds » d’Irlandais qui n’avaient rien compris avant qu’on ne leur graisse un peu la patte ! Ou comme ce fut le cas en France où – quoi que l’on pense par ailleurs sur le fond – les tenants du Non au traité qui avaient emporté une nette majorité, ont été spolié de leur victoire et présentés comme du vulgaires populistes, arriérés mentaux, xénophobes... Avec de telles méthodes, la démocratie ne sera bientôt plus qu’une démocratie d’opinion, un système où la communication fonctionne toujours du haut vers le bas et jamais dans l’autre sens, du peuple vers les dirigeants.
Les dirigeants devraient pourtant écouter et s’inquiéter. Les commentateurs avisés expliquaient, le soir de la votation suisse, que les électeurs avaient surtout témoigné de leur irritation face au développement de systèmes communautaristes de plus en plus dérogatoires à la loi commune. Ce qui est en jeu, ce n’est pas la foi de l’islam, c’est l’égalité entre hommes et femmes qui doit s’imposer en Suisse à tous, la dignité des femmes qui n’ont pas à se voir imposer la burka, l’absentéisme de certains élèves à certains cours... Bref, les Suisses, qui ont toujours intégré beaucoup d’étrangers et qui ont dans leur culture le partage de l’identité nationale avec des populations n’ayant pas la même langue, pas le même culte dominant, disent que, pour entrer dans leur citoyenneté, il faut accepter certains principes et notamment l’égalité des droits et des devoirs.
Ce sentiment se développe un peu partout en Europe, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Espagne, et même en Grande Bretagne qui a longtemps donné à croire que son système communautariste fonctionnait mieux que l’intégration républicaine ! On sait qu’il n’en est rien.
Vivre ensemble, ce n’est pas enfermer les femmes et les hommes dans des communautés, des ghettos aux droits différents, dressant les groupes les uns contre les autres et préparant une guerre des civilisations, instrumentalisée par ailleurs par ceux qui veulent contrôler les flux de matiéres premières et les marchés de l’avenir ! Le communautarisme et son système de droits différenciés, de discriminations dite « positives » menace l’unité d’un peuple, la paix civile, et nourrit la ségrégation et toutes les intolérables formes de racisme.
Pour combattre le racisme, il faut garantir concrètement à chacune et à chacun, quels que soient ses origines, sa couleur, son sexe, ses appartenances religieuses, philosophiques et politiques, la liberté absolue de conscience, l’égalité des droits, qui fait obligation pour chacun de respecter ces mêmes principes à l’égard des autres.
Quel que soit le nom qu’on lui donne ici et là, la laïcité s’impose en Europe, mais aussi dans nombre d’autres nations, de la Turquie à Israël, comme la clé pacifique permettant aux femmes et aux hommes de vivre à la fois libres et égaux dans des sociétés de plus en plus ouvertes, métissées, en même temps que socialement fragilisés.
C’est une réponse humaniste aux menaces xénophobes, racistes, intégristes, communautaristes. Il faut y travailler vite car la crise sociale nourrit les identités totalitaires. C’est pour cela que le Comité Laïcité République vient de prendre l’initiative de lancer un grand débat national qui, à l’horizon de l’élection présidentielle de 2012, débouchera sur un Livre multicolore de la laïcité, multicolore car la laïcité c’est la liberté de vivre ses différences dans l’égalité des droits avec tous.
Patrick Kessel
président du Comité Laïcité République
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