Revue de presse

"L’UOIF plus que jamais contestée" (AFP, lepoint.fr , 4 fév. 16)

5 février 2016

"L’organisation considérée comme un pilier de l’islam en France paie cher sa proximité, plus ou moins assumée, avec les Frères musulmans.

L’UOIF est encore considérée comme un pilier de l’islam en France, mais n’est plus à la fête : plus que jamais contestée dans le camp laïque et la classe politique, l’organisation paie cher sa proximité, plus ou moins assumée, avec les Frères musulmans. L’Union des organisations islamiques de France a été contrainte de déprogrammer trois orateurs invités dimanche à Lille, considérés par les détracteurs de l’UOIF comme des « prêcheurs de haine » homophobe ou antisémite.

La Ligue islamique du Nord, son antenne locale, avait prévu de faire intervenir à la tribune le Syrien Mohamed Rateb al-Nabulsi, le Marocain Abouzaïd al-Mokri et le Saoudien Abdallah Salah Sana’an. Mais elle a reculé face à une polémique très vive et après l’avertissement du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve qui avait annoncé des « poursuites immédiates » en cas de propos litigieux.

« Vu le contexte international et les attentats de 2015, l’UOIF a peut-être péché par manque de prudence », confie Bernard Godard, ancien « Monsieur islam » de la Place Beauvau. « Cette organisation prétend promouvoir un islam de France mais ne cesse de faire la part belle à des personnalités étrangères comme Youssef al-Qaradaoui (prédicateur qatari dont la venue à un congrès de l’UOIF avait été annulée en 2012, NDLR) », accuse pour sa part le politologue Haoues Seniguer.

Née en 1983, l’UOIF, qui revendique la tutelle sur 250 associations et de dizaines de mosquées, a toujours clamé défendre une lecture « authentique et ouverte » de l’islam. Plutôt conservatrice sur les questions de moeurs, elle abrite aussi un petit courant plus libéral, incarné par l’imam de Bordeaux Tareq Oubrou.

Elle affirme n’avoir aucun lien organique avec les Frères musulmans fondés en Égypte en 1928, ce mouvement réformiste considéré comme l’étendard d’un islam politique. Plusieurs de ses dirigeants ne font toutefois pas mystère d’une proximité au moins spirituelle avec les « Frères » ou de l’influence qu’a pu avoir sur eux la pensée de leur fondateur Hassan al-Banna, grand-père de l’islamologue suisse Tariq Ramadan. Aucun ne se réclame de Sayyid Qotb, figure radicale des « Frères » qui fut considérée comme un théoricien du djihad.

L’UOIF « agit depuis des décennies pour une intégration paisible de l’islam et des musulmans de France », proteste l’organisation présidée par Amar Lasfar en réaction à la polémique lilloise. Ce discours relève-t-il de la taqiya, ce mot utilisé à tort ou à raison pour traquer les stratégies de dissimulation de ceux qui voudraient, in fine, instaurer la charia en Occident ? « L’UOIF, c’est sa contradiction, gravite dans la grande mouvance frériste et en même temps a développé tout un discours sur l’intégration dans la société française », dit Bernard Godard, qui a accepté de participer samedi à un colloque de cette organisation à Paris.

Il semble loin, le temps où un ministre de l’Intérieur - Nicolas Sarkozy en 2003 - adoubait l’UOIF au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) naissant, puis se rendait à la rencontre annuelle du Bourget près de Paris, la grande vitrine de l’organisation. Le Front national n’est plus le seul parti à demander son interdiction. Sans citer l’UOIF, le Premier ministre Manuel Valls a plusieurs fois dit vouloir « combattre » l’influence et le discours des « Frères ». Coup sur coup, deux livres à charge d’anciens militants « fréristes », Farid Abdelkrim et Mohamed Louizi, sont venus ternir l’image de cette mouvance.

L’UOIF s’est même retrouvée en novembre 2014 inscrite sur une liste de groupes classés « terroristes » par les Émirats arabes unis, comme toutes les organisations « fréristes ». La stupeur a alors gagné le CFCM, qui a volé à son secours comme témoin de moralité. En France aussi, l’organisation frériste, qui s’est longtemps adressée à une élite, est concurrencée par de nouveaux courants plus ou moins proches des salafistes, dont l’ultra-orthodoxie et les revendications identitaires (voile, halal...) rencontrent de l’écho dans la jeunesse musulmane.

Réputée pour son sens de l’organisation, l’UOIF n’a toutefois pas renoncé à son influence dans la société, l’enseignement privé musulman, la théologie... Elle s’est même rapprochée récemment de la Grande Mosquée de Paris, avec laquelle elle a prévu de tenir en mars à Lyon un « congrès national des musulmans de France ». Sans prédicateur controversé à l’affiche."

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