Laurent Bouvet, professeur de science politique, auteur de "L’Insécurité culturelle" (Fayard, 2015) et "La nouvelle question laïque" (Flammarion, 2019), cofondateur du Printemps républicain. 14 avril 2019
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"[...] Il s’agit là d’un nouvel épisode, un de plus, de la guerre culturelle qu’ont décidé de mener contre notre société - moderne, empreinte de valeurs humanistes et universalistes, valorisant la liberté comme un bien commun… - des activistes, identitaires, indigénistes, décoloniaux, intersectionnels, islamistes… dont la vision du monde est à la fois essentialiste et relativiste. [...]
Dans le cas de l’exposition sur Toutânkhamon, l’argument utilisé est celui, classique chez les militants afrocentristes américains notamment, du fait que les Égyptiens auraient été « noirs », alors que l’égyptologie scientifique a montré que non seulement il existait une diversité des teintes de peau chez les Égyptiens de l’Antiquité mais encore que les représentations qu’ils nous ont laissées à travers leurs monuments, leur art ou leur écriture, n’étaient en rien liées à ces différences de pigmentation. La notion même de « race » n’ayant aucun sens à cette époque.
Derrière tout cela, il y a une montée en puissance de revendications identitaires de ce que l’on a pris l’habitude d’appeler, depuis les années 1960-70, des minorités, qui veulent voir reconnu comme surdéterminant pour les individus qui sont supposés les constituer un critère d’identité particulier qui serait « dominé » ou « discriminé » dans la société dans laquelle ils vivent : race, ethnie, religion, genre, orientation sexuelle, spécificité régionale… Ce « tournant identitaire » a conduit à des mobilisations sociales et politiques nouvelles, à la redéfinition des clivages politiques comme à l’émergence de nouveaux champs de recherche en sciences sociales ou à des stratégies marketing de nombreuses entreprises, de médias, etc. qui sont devenues incontournables dans nos sociétés. Si bien que l’on peut dire que nous sommes entrés dans un âge identitaire.
Les activistes qui se sont emparés de ces enjeux pour différentes raisons, politiques, commerciales, de carrière (dans les médias ou à l’université par exemple)… ont conduit à brouiller la légitimité du combat de groupes sociaux pour la reconnaissance de droits égaux. On le comprend bien dans le cadre du féminisme : le combat fondamental pour l’égalité des droits et la libération des femmes est aujourd’hui fortement parasité par le néoféminisme identitaire. Il en va désormais de même du combat contre le racisme. [...]"
Lire "L’exposition Toutânkhamon accusée de racisme : « Nous sommes entrés dans l’âge identitaire »".
Voir aussi "Des « antiracistes » tentent d’interdire l’expo Toutankhamon" (lefigaro.fr , 13 av. 19), "Égypte : Toutânkhamon, nouvelle victime du complotisme" (lepoint.fr , 11 av. 19), "Assemblée nationale : une fresque jugée "raciste" crée la polémique" (rtl.fr , 8 av. 19), "Viré de son labo pour s’être opposé aux théories décoloniales ?" (lepoint.fr , 12 déc. 18), L. Bouvet : "Éviction d’un professeur opposé au décolonialisme : l’université en péril" (lefigaro.fr/vox , 13 déc. 18), "Le « décolonialisme », une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels" (Le Point, 29 nov. 18), "Ces idéologues qui poussent à la guerre civile" (Le Point, 29 nov. 18) et la rubrique Pièce d’Eschyle empêchée à la Sorbonne (mars 19) dans "Appropriation culturelle" (note du CLR).
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