Revue de presse

"Égypte : Toutânkhamon, nouvelle victime du complotisme" (lepoint.fr , 11 av. 19)

13 avril 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Des « antiracistes » réclament l’interdiction de l’exposition « Toutânkhamon » à Paris, car son origine africaine serait cachée. L’égyptologue Bénédicte Lhoyer réagit.

[...] Depuis plusieurs années, un discours africanocentriste s’est développé pour affirmer que le royaume d’Égypte était noir. Pour appuyer leur thèse, ceux qui la propagent assurent, par exemple, que les égyptologues blancs auraient brisé les nez des statues et des momies pour dissimuler le caractère épaté de ces derniers, preuve de l’origine africaine des Égyptiens. Ce serait notamment, affirment-ils, pour cette raison que le Sphinx fut abîmé à cet endroit stratégique... [...]

Cela nous ferait rire si les implications n’étaient pas aussi graves. On sent qu’il existe un courant qui veut nous interdire la réflexion et la pensée, c’est très dangereux, car c’est ce qui nourrit les extrémismes. L’université commence à abdiquer, on est en train de tout aseptiser, quitte à modifier les choses au nom d’un pseudo-respect de la personne.

Évidemment et heureusement, cela dépend des endroits, mais plusieurs de mes collègues s’inquiètent de voir ces théories, cette défiance, arriver dans la plus grande indulgence. On ne veut pas faire de vagues, on ne veut pas d’histoire, on ne veut pas de procès, donc, on courbe la tête… L’épisode des Suppliantes d’Eschyle annulées au prétexte que les masques des acteurs et la coloration factice de leur peau s’apparentaient à un « blackface » s’inscrit dans cette logique. Alors, oui, nous sommes assez inquiets. Comment voulez-vous réussir à poser un regard plus neutre et apaisé sur l’histoire quand vous vous confrontez à cette violence, à ces accusations ?

Je me fiche de savoir d’où vient l’élève que j’ai en face de moi, en premier lieu, je souhaite avoir des esprits à qui je vais pouvoir ouvrir les chemins de la réflexion et de la critique, c’est tout. Mais quand on se retrouve avec des étudiants qui nous accusent d’être racistes, on sait que ça va être dur, qu’ils vont considérer tout ce qu’on veut leur apprendre comme biaisé. Ils ont toujours l’impression qu’on les manipule, et il faut déployer des trésors de pédagogie pour calmer le jeu.

Heureusement, tout n’est pas perdu, car beaucoup de nos collègues étrangers qui fréquentent le milieu universitaire et qui sont sensibles à la recherche regardent avec critique ce type de théorie. Nos collègues égyptiens, dans nos écoles ou en fouilles, ne cachent pas leur étonnement face à ces théories complotistes. L’Égypte ancienne, comme l’actuelle, est issue d’un mélange, eux aussi le soulignent. Reste à espérer que nos étudiants n’oublient jamais en sortant de nos cours que la critique et le recul sont les deux armes qui leur permettront de défendre la science, mais aussi la liberté."

Lire "Égypte : Toutânkhamon, nouvelle victime du complotisme".


Voir aussi la rubrique Pièce d’Eschyle empêchée à la Sorbonne (mars 19) (note du CLR).


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