7 décembre 2020
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Les partisans d’une laïcité offensive se félicitent de l’évolution d’Emmanuel Macron sur le sujet. Ils voient dans le projet de loi « renforçant les principes républicains », qui doit être examiné en conseil des ministres mercredi 9 décembre, une victoire idéologique.
Cécile Chambraud et Louise Couvelaire
[...] Certains les appellent les « laïcards », les tenants d’une « laïcité de combat », « exigeante » ou « dure ». Eux se voient comme « un bouclier », selon les mots de l’écrivaine Caroline Fourest, face aux intégristes islamistes et à leur idéologie mortifère. Ils refusent d’être adjectivés, ils sont des « défenseurs de la laïcité », point, martèlent-ils, à l’image du titre du livre coécrit par Marlène Schiappa, Laïcité, point ! (L’Aube, 2018). Leurs opposants les accusent de vouloir imposer l’invisibilisation du religieux dans l’espace public pour, en réalité, combattre l’islam. « C’est une réactualisation de l’affrontement entre les deux France au tournant XIXe-XXe siècle, analyse Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France. A l’époque, on a pensé avoir réglé l’affaire du religieux en ayant réglé celle du catholicisme. Et voilà que depuis deux décennies, une sorte de religieux revient en force. Cela a fait ressurgir le ras-le-bol de ceux qui avaient pensé en avoir fini avec cela. Ajoutez le terrorisme, et on assiste à un triomphe idéologique autour d’une laïcité drastique. »
Trahison
Plus qu’un courant organisé, ils constituent une galaxie de personnalités engagées. Il y a des intellectuels tels que les essayistes Caroline Fourest et Elisabeth Badinter ; les artisans historiques, lobbyistes numériques aguerris, moins connus du grand public, Laurent Bouvet et Gilles Clavreul, fondateurs de l’association Printemps républicain en mars 2016. Il y a des journalistes comme Zineb El Rhazoui et Mohamed Sifaoui, tous les deux sous protection policière ; d’anciens socialistes comme Manuel Valls et l’Avignonnais Amine El Khatmi. [...]
Presque tous issus de la gauche, ils sont partis en guerre contre ce qu’ils vivent comme une trahison de certains de leurs anciens camarades, jugés aveugles au grignotage insidieux d’un islam politique ou de rupture qui serait en train de détruire la trame républicaine de la société. La laïcité est leur trait d’union, leur magistère. Leur mouvance a commencé à se « coaguler » après les attentats de 2015. [...]
[Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, proche du Printemps républicain] et Caroline Fourest veulent, par exemple, permettre aux mères accompagnatrices voilées de conserver leur foulard lors des sorties scolaires, tandis que d’autres, comme Jean-Michel Blanquer et Aurore Bergé, souhaitent le leur interdire. « Nous ne sommes pas une secte ni un groupement clandestin, on se voit, on se parle, de manière informelle, avec Schiappa, Darmanin et Blanquer, mais personne ne joue les arbitres, témoigne Manuel Valls. Les dérives de la gauche, qu’il s’agisse du PC ou du PS, sont le fruit de ce manque de combat collectif, alors oui, nous restons solidaires, parce qu’on veut gagner ! » « Personne n’a de comptes à rendre à personne », renchérit Jérémie Peltier.
Certaines personnalités de ce mouvement né à gauche n’hésitent plus à flirter avec l’extrême droite, telle que Zineb El Rhazoui, devenue l’icône des plus fervents (elle n’a pas répondu à nos sollicitations). Editée par une maison d’édition – Ring – souvent jugée à la droite de la droite, prenant la pose avec Papacito, blogueur identitaire également édité chez Ring, cette ancienne de Charlie Hebdo est régulièrement menacée de mort. Personne, au sein de son camp, ne remet en question ses outrances. « Toutes les digues sont en train de sauter, s’insurge Isabelle Kersimon, fondatrice de l’Institut de recherches et d’études sur les radicalités, cible régulière des attaques des « laïcards ». Officieusement, ils sont prêts à toutes les compromissions avec la droite et l’extrême droite qu’ils prétendent pourtant combattre. »
Choc du réel
Cette stratégie du « front uni » est en tout cas payante. Ils gagnent en influence et convertissent chaque jour davantage d’adeptes. Le premier d’entre eux : Emmanuel Macron. Du moins veulent-ils le croire. Ils interprètent le discours des Mureaux (Yvelines), prononcé par le président de la République le 2 octobre, et le projet de loi, comme la preuve de ce tournant, qui « marque la fin de trente ans de compromissions », assure Thomas Urdy, le référent laïcité de Marlène Schiappa, qui est sur leur ligne. Ils étaient en désaccord avec le Macron de 2015-2017. Aujourd’hui, ils applaudissent sa mue. [...]
La cause de l’évolution du chef de l’Etat serait avant tout le choc du réel. « Ce ne sont pas les militants de la laïcité qui changent les mentalités, ce sont les attentats », affirme Elisabeth Badinter. « Une fois au pouvoir, face aux notes des renseignements, aux remontées d’informations des préfets et des attentats, les dirigeants changent, analyse Caroline Fourest. L’idéologie qui les retenait finit par peser peu au regard des informations qui leur parviennent. » « Face aux faits, Macron s’est rangé à notre combat », se réjouit Manuel Valls. [...]
Virage
Jean-Michel Blanquer a organisé en juillet une réception à l’occasion de la parution du livre numérique Le Péril identitaire (L’Observatoire, 29 pages, 1,99 euro) du cofondateur du Printemps républicain, Laurent Bouvet. Un mois et demi plus tard, le président de la République décorait de l’ordre du mérite sa femme, Astrid Panosyan, cofondatrice d’En marche ! Autant de signaux, aux yeux de certains, qui confirmeraient le virage du chef de l’Etat. « Le président n’a pas dévié de ligne sur le fond, ce sont les priorités gouvernementales qui ont évolué, dément Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Ce qui est monté en puissance, c’est la lutte contre le séparatisme islamiste. » [...]"
Lire "Islamisme, séparatisme : l’offensive payante des « laïcards »".
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