Rebond

Les héritiers de Maurras (CLR, 17 nov. 17)

17 novembre 2017

Alors que nous avons assisté, voici quelques mois, à l’effacement électoral du Parti socialiste, nous sommes les témoins, depuis quinze jours, de la décomposition du débat politique à gauche, qui se traduit par l’affrontement opposant les tenants de la République laïque et ceux d’une démocratie communautariste.

Le journal Libération a proposé dans son édition du 16 novembre un article intitulé : "« Charlie » vs « Mediapart » Chapelles ardentes". Dès la première phrase, les deux journalistes donnent le ton en écrivant que « la bataille clanique qui fait rage depuis deux semaines entre Edwy Plenel et les « laïcards », réunis derrière l’hebdo satirique, révèle la tension latente entre deux gauches irréconciliables sur les questions liées à l’islam. »

Cette première phrase est suffisamment claire. Elle résume, à elle seule, la posture sans ambiguïté dans laquelle se trouvent les défenseurs d’Edwy Plenel. Et l’emploi du néologisme "laïcards" inquiète sur leur positionnement idéologique.

En effet, le terme "laïcard" appartient à la lexicologie d’extrême droite : ce néologisme a été forgé par Charles Maurras qui, personne ne l’aura oublié, était le directeur du journal L’Action française. Antisémite virulent, il ne cessa de dénoncer les "ennemis de la Nation", c’est à dire selon lui les protestants, les franc-maçons, les métèques et les juifs, qu’il qualifiait du mot ignoble de « youpins ». C’est au même lexique qu’appartient le mot « laïcards ». Son « ambigüité » à lui était de déclarer son opposition au régime nazi tout en soutenant celui de Vichy. Cette tartuferie lui valut, en 1945, la réclusion criminelle à perpétuité pour intelligence avec l’ennemi, la dégradation nationale et son exclusion de l’Académie française.

Les mots ont une histoire, surtout lorsqu’ils ont été inventés dans un contexte particulier pour définir ceux que l’on désigne comme l’ennemi. Maurras n’était pas l’ennemi de l’Allemagne et il masquait sa forfaiture en désignant un ennemi intérieur qui n’était autre que les laïques. Il est difficile de ne pas faire le parallèle avec "l’imposture plénelienne" qui procède des mêmes artifices pour la même mystification. C’est ce qu’a confirmé la co-présidente de la société des journalistes de Mediapart qui a déclaré sur une chaine du service public il y a quelques jours que "l’islamisme n’est pas une chose grave (...) il y a un racisme d’État en France". L’ennemi de M. Plenel et de certains journalistes de Mediapart est désigné. Il semble clair que nous n’avons pas les mêmes adversaires.

Les deux auteurs de l’article ne s’arrêtent pas en si bon chemin puisqu’ils écrivent qu’il y a "deux gauches irréconciliables sur les questions liées à l’islam". Phrase éminemment subtile puisqu’elle laisse entendre que l’une de ces "gauches" défendrait l’islam contre l’autre gauche qui l’attaquerait. La "gauche" des "laïcards" serait donc "islamophobe ". Ce n’est pas une accusation nouvelle, c’est la ligne d’attaque du directeur de Mediapart et de tous les adversaires de la laïcité depuis longtemps. Elle repose sur un refus de séparer l’islam des islamistes, nos ennemis déclarés. C’est ce que l’on appelle un amalgame comme les bienpensants les condamnent, en général avec âpreté, uniquement lorsque ce n’est pas eux qui le pratiquent. Ce subterfuge permet de déplacer le débat vers l’islam en coupant court à tout débat sur la laïcité. C’est-à-dire que nous sommes emmenés malgré nous dans un débat sociologique permanent en lieu et place d’un débat politique.

La seule chose rassurante est que Maurras a perdu mais sans que l’on ne puisse jamais mesurer l’ampleur des dégâts qu’il a causés en semant la confusion et le désarroi dans la société de son époque. Ceux causés par Plenel et consorts ne sont malheureusement que trop visibles.

Comité Laïcité République
le 17 novembre 2017.


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