Revue de presse

Guy Konopnicki : "Victoire en demie-teinte de Baby-Loup : la laïcité limitée" (marianne.net , 25 juin 14)

25 juin 2014

"La Cour de cassation a confirmé le licenciement de l’employée de la crèche Baby-Loup, au terme d’une longue procédure, difficile à supporter pour une association laïque œuvrant, on l’oublie, au bénéfice de femmes salariées vivant dans des quartiers difficiles. La plaignante, qui exigeait le droit de travailler voilée, se voit donc déboutée de ses demandes de réintégration. Elle n’abandonne pas pour autant et entend faire appel devant la juridiction européenne.

Or, tout en reconnaissant le règlement intérieur de Baby Loup, qui stipule que le respect des convictions religieuses ne saurait faire obstacle aux principes de laïcité, la Cour de cassation refuse de qualifier l’association comme « une entreprise de conviction ».

Pis ! Dès lors que la mission d’une association n’est pas de promouvoir des convictions philosophiques mais de développer une action d’ordre social, elle devrait être neutre vis-à-vis des religions.

L’ennui, c’est que cette exigence de neutralité s’applique aux seuls défenseurs de la laïcité. D’autres peuvent distribuer de pieuses brochures dans les foyers d’accueils pour jeunes femmes en difficulté ou accompagner de prières les distributions de repas aux SDF. Le tout avec des subventions publiques, quand ce n’est pas en des locaux affectés aux bonnes œuvres par l’Etat ou les collectivités locales.

Le paradoxe de la République laïque, c’est de permettre le prosélytisme religieux dans le cadre des associations caritatives, aidées directement ou indirectement, tout en proscrivant la défense de la laïcité dans le cadre d’une association laïque.

Et la Cour de cassation précise également que la restriction à la liberté « d’exprimer sa religion », ne se justifie que par la « nature des tâches » des employées de Baby-Loup. Autant dire que le voile islamique n’est considéré que du point de vue de l’expression de la religion, au même titre qu’un pendentif, signe discret et dépourvu d’agressivité, que l’on peut ôter ou dissimuler.

Or le voile a une autre signification : il marque la soumission des femmes, en totale contradiction avec le principe d’égalité inscrit dans la Constitution de 1958. Il réduit l’identité des femmes à leur appartenance communautaire. L’hypocrisie juridique en fait un simple signe d’expression religieuse, faute d’une législation permettant aux entreprises de le refuser sur d’autres fondements.

La juridiction européenne peut donc utiliser cette faille pour remettre en cause la décision de la Cour de cassation et interdire, de fait, la défense de la laïcité au sein d’une association laïque.

Le combat de Baby-Loup n’est donc pas terminé. Il importe désormais de refuser l’hypocrisie fondée sur le prétexte de la liberté religieuse et de définir enfin le voile des femmes comme une atteinte aux libertés et à la dignité humaine."

Lire "Victoire en demie-teinte de Baby-Loup : la laïcité limitée".



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