Revue de presse

C. Kintzler : « L’inégalité, c’est ne pas pouvoir créer d’entreprise privée laïque » (liberation.fr , 29 mars 13)

30 mars 2013

"Catherine Kintzler, docteur en philosophie, spécialiste de l’esthétique et de la laïcité, a milité contre le port des signes religieux à l’école publique.

Le cas Baby-Loup a dû vous faire bondir...

Cette décision [1] m’a choquée car elle institue une inégalité. En France, on peut créer des entreprises « de tendance », notamment confessionnelle - une crèche Loubavitch, par exemple. Une entreprise privée confessionnelle peut pratiquer une discrimination à l’embauche, c’est son droit. Et si j’inscris mon enfant dans une crèche confessionnelle, c’est ma liberté, je suis sûre qu’il ne sera pas exposé à d’autres religions. Or je veux aussi avoir le droit de le mettre dans une crèche où il ne sera pas exposé à des manifestations religieuses ostentatoires.

L’inégalité soulevée avec l’affaire Baby-Loup, c’est qu’au fond, on ne peut pas créer d’entreprise privée de tendance laïque. On reproche à Baby-Loup une forme de discrimination vis-à-vis d’une femme voilée alors qu’elle accueille tous les enfants. Moi, je pense que les non-croyants et les laïcs sont discriminés si on ne peut pas créer une crèche privée de tendance laïque.

Est-ce si gênant qu’une femme voilée s’occupe d’enfants ?

Une présence ostentatoire peut influencer des enfants dont la liberté n’est pas constituée. Une femme voilée en crèche, cela impose un modèle fort, un environnement dans lequel le religieux est banalisé.

Faut-il une nouvelle loi ?

Le législateur serait fautif de laisser les choses en l’état. Bien sûr, il ne s’agit pas d’être liberticide, d’interdire le port du voile dans les transports ou de faire taire les cloches de Pâques… [2] Mais il faut un éclaircissement législatif sur les entreprises privées et que certaines puissent introduire dans leur règlement, en la justifiant et en précisant son application, une disposition de neutralité religieuse. Il faut équilibrer les libertés dans ce domaine.

Quelles activités faut-il cibler ? Jeudi soir, François Hollande a évoqué le « service public de la petite enfance ». [3]

Je vois plus large : l’éducation, les maisons de retraite, les institutions pour personnes dépendantes ou handicapées…

Un débat sur la laïcité ne va-t-il pas une fois de plus stigmatiser les musulmans ?

On nous a opposé cet argument lors de la loi 2004 interdisant les signes religieux à l’école. Je le récuse et j’en profite pour signaler qu’à l’époque, s’il y avait un problème de voile, il y avait aussi un problème de kippa, dont on a beaucoup moins parlé. Si nous avons à nouveau un débat, étendons-le à toutes les religions. Mais revenons-en aux musulmans. Il y a beaucoup de musulmanes qui ne portent pas le voile et considèrent la laïcité comme une protection. Et surtout, si l’on brandit l’argument de la stigmatisation, alors c’est qu’on a déjà décidé qu’il y a unité des musulmans autour d’un intégrisme. Et ça, c’est un fantasme d’extrême droite."

Lire « L’inégalité, c’est ne pas pouvoir créer d’entreprise privée laïque ».



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales