Guylain Chevrier, docteur en histoire, formateur et chargé d’enseignement à l’université, ancien membre de la mission Laïcité au Haut Conseil à l’Intégration ; Gilles-William Goldnadel, avocat, essayiste, président de l’association France-Israël. 22 mai 2017
"Atlantico : Quel constat peut on faire sur la position du gouvernement sur les questions de laïcité, de communautarisme, de son rapport à l’Islam politique, ou encore à l’égard du conflit israélo palestinien ?
Gilles William Goldnadel : Je constate sans surprise, mais avec amertume, une sorte de régression démocratique. Lorsque je regarde la position qu’avait le gouvernement socialiste, mais dirigé par Manuel Valls, on voit que sur ces questions on est dans une sorte de politique de compromis, pour ne pas dire de "compromission" avec l’Islam, et ce compris les tendances dangereusement radicales de l’Islam de France. A plusieurs reprises, j’ai demandé à être rassuré des postures qui m’inquiétaient beaucoup prises par le candidat Macron, que je voulais croire seulement marqué par une ambiguïté électoraliste. J’ai constaté qu’il avait pris des postures universalistes en ce qui concerne les problèmes migratoires. Sur la question Israélo-palestinienne, dans ses déclarations à Médiapart, il avait épousé plutôt le récitatif palestinien en évoquant le président Mahmoud Abbas comme modéré, au contraire du gouvernement israélien présenté comme radical. Ce qui tourne le dos à la réalité.
Enfin, et surtout, sur l’Islam radical, il n’a pas récusé le soutien que lui a apporté l’UOIF. Il s’est contenté de se positionner par rapport à l’avenir de manière incertaine en disant que si jamais l’UOIF se démarquait de la légalité, alors il reconsidérerait sa position. Malheureusement, l’UOIF n’en était pas à son coup d’essai en ce qui concerne des positions radicales, ou des ambiguïtés par rapport à l’antisémitisme. Et je n’ai jamais lu ni entendu de la bouche du candidat Macron le moindre positionnement contre l’antisémitisme d’origine islamiste. Au contraire, j’ai toujours entendu des explications extrêmement sociologiques sur les origines du terrorisme islamiste.
Mais lorsque je vois maintenant qu’ils ont sélectionné madame Schiappa au poste de secrétaire d’Etat aux droits des femmes pour surveiller, justement, les atteintes faites aux femmes, les bras m’en tombent. Lorsque l’on regarde le passé de madame Schiappa, elle avait pris des positions tout à fait particulières ; elle avait été extrêmement radicale et contre les positions de Manuel Valls. Car celui-ci avait, dans un discours historique sur les évènements du Vel d’hiv, bien expliqué que le vecteur principal de l’antisémitisme criminelle était la haine antisémite islamiste et la détestation d’Israël. Certes, cette prise de conscience de la réalité avait été payée cher par les attentats antisémites. Et malheureusement, avec les prises de positions de madame Schiappa qui expliquait, dans une interview du Huffington Post, que Manuel Valls s’était fourvoyé en mettant en cause l’antisémitisme islamiste, et qu’il n’y avait pas d’antisémitisme dans les banlieues et qu’il ne fallait pas confondre le palestinisme avec l’antisémitisme. Nous sommes dans une véritable régression culturelle et politique. Cela ne m’étonne pas si Valls et Malek Boutih ont été maltraités, car j’ai toujours reconnu en eux des gardiens intransigeants de la laïcité, de l’Etat nation et de la lutte intransigeante contre l’antisémitisme. Je pense qu’on est dans une sorte "d’islamocentrisme" si je peux oser la formule, qui sera moins caricatural que "l’islamogauchisme" mais tout autant insidieux.
C’est dans ce cadre de cécité intellectuelle et médiatique que mon amertume est vive lorsque je regarde le sort médiatique, ou plutôt le déni médiatique, que l’assassinat de Sarah Halimi, dont je représente la famille, est complètement occulté par l’idéologie médiatique. L’assassin de Sarah Halimi a l’exact profil d’un islamiste radical, avec un casier judiciaire long comme un jour sans pain, qui a commit le crime en hurlant "Allah Akbar", et bien entendu on a adopté à son égard la psychiatrisation de son acte, comme on le fait régulièrement quand on tombe sur des assassins islamistes.
Guylain Chevrier : Il y a beaucoup d’attente, à la mesure de l’absence de positionnement clair sur le sujet, qui n’a pas été, c’est le moins que l’on puisse dire, au centre de la campagne présidentielle. En marche a été très discret dans ce domaine.
Les positions prises sur la laïcité par Marlène Schiappa, la toute nouvelle secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, en disent long sur les contorsions du premier gouvernement Macron, concernant cette question à haut risque. Dans un article publié par le journal Marianne, on rappelait cette semaine qu’en 2014, elle s’en prenait violemment à la loi interdisant les signes religieux ostensibles à l’école. « L’article 1er de la loi de 1905 prévoit que la République "ne reconnaît ne salarie ne subventionne aucun culte". Ni plus ni moins. Interdire le voile c’est reconnaître le voile comme signe religieux, donc reconnaître une religion, interdire le voile à l’école est donc contraire à la loi de 1905 » écrivait-elle. Inverser ainsi les termes de la laïcité pour dire qu’interdire un signe religieux serait reconnaître une religion, et donc déroger à la loi de 1905 qui dit n’en reconnaître aucune, c’est prendre ses lecteurs pour des imbéciles ou bien faire preuve d’une mauvaise foi sans fond, à moins encore, au mieux, de n’avoir rien compris à la laïcité. Ce qui serait grave, car il s’agit tout de même d’un principe juridique d’organisation de notre République, et donc de l’Etat au service duquel elle s’est mise. La laïcité de l’école concerne l’ensemble des signes ostensibles religieux, rappelons-le lui, et pas particulièrement le voile. Ce n’est pas la faute de la laïcité si certains se sentent plus concernés par cet interdiction que les autres, à avoir voulu s’attaquer au principe de la laïcité de l’école, alors que dans notre Constitution, il est affirmé que l’enseignement est laïque à tous ses degrés. Emmanuel Macron estime pourtant dans son programme, contrairement à elle, que cette interdiction "fait l’objet d’un large consensus" et "doit donc être maintenue".
Marlène Schiappa estime aussi dans sa tribune qu’« interdire aux femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants relève ni plus ni moins de l’islamophobie », car « l’obligation de neutralité religieuse s’applique d’après la loi de 1905 aux fonctionnaires, représentants de l’Etat, pas aux parents d’élèves qui ne représentent qu’eux-mêmes ». Rappelons au passage que les missions de l’école, qu’elles soient exercées dans l’enceinte des établissements ou non, par des enseignants ou non, demeurent laïques, et donc que toute personne encadrant de telles sorties ne saurait s’y soustraire. Prendre une telle position, c’est vouloir ignorer le poids communautaire sur cette question, qui pèse très tôt sur la liberté des enfants et surtout des filles. Et si on imagine un instant que dans certains quartiers à forte influence religieuse, les [mères] voilées sont nombreuses et plus que les autres, encourager la présence de femmes voilées lors de ces sorties, c’est à coup sûr favoriser une assignation des enfants qui y participent, contraire à leur liberté.
Remise en cause de la laïcité de l’école de la République et promotion du voile lors des sorties scolaires, on se demande pourquoi lui avoir confié ce secrétariat d’Etat à l’égalité femmes-hommes. Il n’est pas inutile de rappeler ici la définition que donne du statut des femmes le coran dont découle le port du voile : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises… » (Sourate 4, versets 38 et suivants). Plus loin il est prescrit aux femmes d’« abaisser un voile sur leur visage (…) marque de leur vertu » (sourate 33 verset 59). Sans compter encore avec l’incantation du procès en « islamophobie ». On sait ce que l’on doit à ce terme, qui sert à justifier l’amalgame de la moindre critique de l’islam avec un racisme antimusulman, concourant au rétablissement du délit de blasphème. Véritable Cheval de Troie contre la laïcité.
Bruno Le Maire, lui, affirme haut et fort qu’« il faut faire respecter la loi de 1905 », comprise dans un sens bien différent que la secrétaire d’Etat : « Nous ne devons pas modifier la loi de 1905, qui est une loi fondatrice et pas de circonstance. (...) C’est l’Etat qui fixe la règle du jeu et la rappelle clairement. Cette règle, c’est que ce sont les religions qui se soumettent à la République et pas l’inverse. » Bruno Le Maire estime aussi que la priorité est de faire respecter la loi sur le voile intégral, qui n’est pas tout le temps appliquée.
On se demande ce qu’en pense le Premier ministre, Edouard Philippe, qui, comme maire du Havre, en décembre 2012, a fait jeter purement et simplement quelques 8500 mousses au chocolat, préparées pour les 67 cantines scolaires du Havre, pour les enfants des écoles primaires et maternelles, en raison de suspicion de la présence dans celle-ci de gélatine de porc, au lieu de respecter la neutralité laïque. Faudra-il que l’industrie de l’alimentation se conforme demain aux exigences d’une religion, pour satisfaire à ce genre de démarche, y soumettant la République ? Il parait là bien accommodant, et peu sûr de ses références à ce principe.
Ici, la secrétaire d’Etat est plus proche d’un Emmanuel Macron : « Je ne crois pas pour ma part qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, de nouvelles normes, pour aller chasser le voile à l’université, pour aller traquer ceux qui lors des sorties scolaires peuvent avoir des signes religieux », déclarait-il, le 12 juillet 2016. Derrière ce choix des mots, il y a l’idée que vouloir faire pleinement respecter la laïcité serait faire la chasse aux musulmans, de façon pour le moins curieuse. Une approche que ne renieraient pas des organisations comme l’Union des Organisations Islamiques de France ou le Collectif Contre l’Islamophobie en France, proches des Frères musulmans. Ceci laissant poindre plus qu’une sous-estimation des problèmes.
Dans le contexte de manifestations pro-palestiniennes où ne se privait pas de crier « Mort aux juifs », en 2014, Manuel Valls déclarait que l’antisémitisme « se nourrit dans nos quartiers populaires des ambiguïtés sur l’Etat d’Israël ». Marlène Schiappa lui répondait sur le Huffington Post, par une tribune intitulée : « Non, cher Manuel Valls, les quartiers populaires ne sont pas antisémites », inversant encore les termes du problème qui n’était pas de répondre à une mise en accusation de tous les quartiers populaires, mais de dire que le conflit israélo-palestinien était trop souvent un prétexte à l’antisémitisme, ce qui ne fait pas mystère. Une rhétorique de la secrétaire d’Etat dont le soutien à la question palestinienne l’amène à cette attitude de déni, qui ne peut que mettre mal à l’aise, sur un sujet qui justifierait plus de mesure sinon de gravité, à tout le moins.
Pour Bruno Le Maire, il faut éradiquer un antisémitisme contraire aux valeurs de la République. « Profanations, attentats, violences verbales... Force est de constater qu’un antisémitisme chronique s’est installé. Aujourd’hui, les Français qui sont juifs, je le dis bien dans cet ordre-là, ont peur en France. Ils se disent que leur avenir est de partir de France. » Un sentiment qui émane directement des raccourcis permanents entre l’Etat hébreux, sa politique, la haine entretenue contre lui, et les Français de confession juive vivant en France, qui subissent là un amalgame mortifère. Rappelons qu’en Israël même, les juifs ne sont pas tous des soutiens de la colonisation, des sionistes, loin s’en faut. « A nous, tous les républicains, de prendre les dispositions nécessaires de l’école à la sécurité pour arriver à éradiquer cet antisémitisme qui n’est pas conforme aux valeurs les plus fondamentales de la République », rajoutait-il. Une position qui tranche avec l’ambiguïté d’une Marlène Schiappa, siégeant dans le même gouvernement.
Les positions d’Emmanuel Macron sont sensiblement différentes ici de celle de sa secrétaire d’Etat. A la veille de l’élection présidentielle sur Sud-Radio, il affirmait que « la reconnaissance unilatérale d’un Etat de Palestinien par la France ne servirait l’intérêt de personne ». Il avait assuré aussi, lors de son voyage au Liban, qu’il n’est pas souhaitable de mettre la pression sur l’Etat hébreu, rappelant que « le boycott d’Israël a été condamné par la France [dans un arrêt de la Cour de Cassation de 2015] et il n’est pas question de revenir là-dessus. »
On s’étonne que dans la période d’initialisation d’En marche, en octobre 2016, Marlène Schiappa ait soudain manifesté une toute autre vision de la laïcité que celle dont nous venons de rendre compte. Dans une vidéo réalisée par la Fondation Jean-Jaurès elle exprimait : « La question de la laïcité et du féminisme sont liées intrinsèquement dans la mesure où la lutte contre les radicalités religieuses et extrémistes religieux sont des luttes pour défendre le droit des femmes », ajoutant que « si la France lâche la laïcité, ce sont les droits des femmes qui vont s’effondrer ». Un retournement qui est arrivé à point nommé.
Le candidat Macron déclarait lors de sa campagne, qu’« il n’y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse ». Un discours qui n’a pas pu tromper les défenseurs d’une laïcité dite « ouverte », c’est-à-dire accommodante à la « diversité culturelle », qui y auront vu sans doute un appel du pied. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, déclarait vendredi 19 mai sur France Inter, "Il faut aimer son pays, tout simplement", évoquant l’importance que revêt, à ses yeux, la transmission de l’amour de la France aux élèves. Il n’est pas certains qu’ils partagent ici un même point de vue.
Il domine dans bien des domaines, avec M. Macron, une certaine confusion des choses, laissant ouverte l’opportunité pour lui, par tous, de se faire aimer, à l’image de l’auberge espagnole qu’il a entendu initier avec son mouvement En marche. Une addition d’experts et de « gens » de terrain ne fait nécessairement un projet politique.
Au regard de la diversité des points de vue représentés au sein du gouvernement, que peut on dire des positions d’Emmanuel Macron ? De son passé ministériel, à son arrivée à l’Elysée, en passant par sa campagne électorale, comment se structure le Président sur ces mêmes points ?
Gilles William Goldnadel : Il est très habile, sauf quand il lui arrive de gaffer. Je pense que c’est un habile gaffeur. C’est à dire que la plupart du temps, il se tient bien mais de temps en temps, il dérape. Les dérapages, on les connaît ; ils sont toujours dans le même sens. Ses propos sur la colonisation et la négation de la culture française, si ce n’est pas la sociologisation compliquée du terrorisme islamiste. Mais, une nouvelle fois, il est cohérent dans son incohérence intellectuelle. Cela étant, c’est du bel ouvrage. Il s’exprime de manière élégante, comme l’homme qu’il est. Nous allons avoir à faire, pendant quelques années, à une sorte de Trudeau, qui laissera une France dans un pire état que ne l’a laissé François Hollande. C’est pour cela que je prie le ciel et les électeurs que l’on ne lui accorde pas, à lui comme à son gouvernement, une majorité.
Guylain Chevrier : Ses déclarations faites pendant la campagne résument bien sa pensée, si l’on peut prétendre y distinguer une ligne directrice, ce qui n’est pas toujours aisé. Il dit ne pas souhaiter modifier la loi du 9 décembre 1905, ni introduire dans la loi des aménagements particuliers en faveur d’une religion, pas plus que de rétablir un quelconque délit de blasphème. Ceci étant, lorsqu’il est question du débat sur l’interdiction du voile à l’Université, il dit que « ce n’est pas la République, ce sont nos propres traumatismes du moment », qu’« au titre d’une laïcité revancharde on en vient à sortir des citoyens des lieux de la République et à les confiner à l‘écart », fermant tout questionnement sur un sujet qui n’est pourtant pas sans fondement. Il suffit de se référer aux réunions non-blanches, et donc interdites aux blancs, assimilés à des enfants de colonisateur héréditairement racistes, qui ont commencé à être organisées à l’Université Paris VIII, pour s’interroger sur l’extension du communautarisme dans l’Université tout court, sous prétexte de lutte antiraciste. On se demande qui met qui à l’écart ici ! Université Paris VIII qui a aussi accueilli une « Journée internationale contre l’islamophobie »...
Il a pu déclarer en début de campagne que « le débat politique ne doit pas faire de la laïcité une arme contre le monothéisme » et que « dans sa conscience profonde, je pense qu’un catholique pratiquant peut considérer que les lois de la religion dépassent les lois de la République ». Ce qui n’est pas, pour le moins, une invitation à respecter la laïcité. Et si on banalise cela pour un catholique, on ne doit pas s’inquiéter alors que, selon l’étude de l’Institut Montaigne de septembre dernier intitulée "Un islam français est possible", un groupe de 28 % des musulmans, qualifié d’autoritaire, est pour le port du voile intégral, considèrent que la charia est au-dessus des lois de la République, et utilisent l’Islam comme instrument de révolte. C’est bien la signature de la progression continue en France, depuis une trentaine d’années, d’un communautarisme dangereux, qui doit nous alarmer. On se remémorera le soutien qu’à apporté très tôt l’Union des Organisations Islamiques de France, cette organisation favorable à un islam inscrit dans la tradition moyenâgeuse saoudienne, au futur président Macron.
Il est contre l’interdiction du burkini sur les plages, mais il n’y a aucune analyse à l’appui de ce positionnement, au regard de ce qui se profile derrière cette nouvelle manifestation du communautarisme islamique. Une multiplication attendue de cet accoutrement, qui pourrait bien l’été prochain créer de vrais troubles sur les plages, à ne pas y avoir donné de limites, puisque l’on considère que ce n’est rien. Il juge « la burqa » comme « non-conforme à la civilité ».
Quelques cas viennent aussi mettre en lumière les contradictions du Président. Mohamed Saou, l’un des principaux référents locaux d’Emmanuel Macron, a été mis en retrait par En marche, après que l’on ait débusqué qu’il avait diffusé sur les réseaux sociaux, après les attentas de janvier 2015 « Je ne suis pas Charlie. » Pour le défendre, Emmanuel Macron explique : « Est-ce qu’il a tenu des propos qui contreviennent aux lois de la République, non ! » Et alors ? Il ne s’agit pas de faire ici un procès, pour présager de la probité de cette personne, mais de s’étonner que M. Macron ait été peu regardant concernant l’un de ses principaux référents locaux, qui proclame sur les réseaux sociaux pareille chose. Il semble qu’En marche, soit effectivement peu regardant à cet endroit à propos de ceux qui sont censés représenter le mouvement, jusqu’au sein de l’Assemblée nationale, ce qui fait tout de même quelque peu désordre et légitimement inquiète. M. Macron lui a demandé de se mettre en retrait, mais a refusé de l’exclure, le qualifiant de "type très bien".
La République en marche annonce que Christian Gerin (producteur de télévision, entre autres, de Faites entrer l’accusé) candidat aux législatives d’En marche, va passer en commission d’éthique, certains de ses tweets ayant été jugés antisémites par la Licra, qui a interpellé le mouvement. Elle cite notamment "Dîner du CRIF, laïcité, république, Macron, Fillon, Hamon, Hollande. A quand la séparation du CRIF et de l’Etat ?", organisation qu’il considère comme "une tribune pour le gouvernement de Netanyahou". En attendant, sa candidature a été suspendue.
A une semaine de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron occupait le terrain religieux, en visitant un centre d’hébergement du Secours catholique, à Paris pour déclarer : « Les valeurs défendues par le Secours catholique, c’est l’idée que je me fais de l’intérêt général et de la générosité. » Un intérêt général que seul l’Etat a su pourtant représenter, car précisément à être séparé des Eglises, il a gagné une impartialité qui lui permet d’être reconnu comme porteur de l’intérêt de tous les Français. Telle que la dimension sociale de la République l’illustre. On voit, là encore, les confusions sur lesquelles il est possible de surfer, mais jusqu’à quand ?
Au regard de la situation actuelle, et des doutes qui entourent encore les positions du Président, quels sont les défis posés au gouvernement sur le terrain sur ces questions ?
Gilles William Goldnadel : Mais il n’y a aucun défi, justement. Les gens qui ont pris les rênes ne considèrent pas qu’il s’agisse de défis. Il n’y a pas de frontières à protéger. Emmanuel Macron nous l’a dit : la France sera ouverte. Le rêve de ce nouveau président va correspondre à un véritable cauchemar pour la majorité de ses concitoyens. Il n’y a pas de défi que proposerait une partie de l’Islam conquérant puisque le diagnostic présidentiel est que l’Islam n’est pas dangereux, et n’est pas conquérant. De son aveu même, il le regarde avec bienveillance. L’identité française n’est pas à protéger, puisqu’elle n’est pas en danger. Dès l’instant qu’on a adopté un optimisme de rigueur de circonstance qui a l’avantage d’être infiniment plus populaire, au moins électoralement, que lorsque vous décrivez de manière ingrate un monde dangereux avec des gens menaçants. On risque d’avoir une politique angélique qui sera, au bout du compte, diabolique.
Guylain Chevrier : Il va vite être rappelé à la réalité, car elle est ténue. La laïcité est aujourd’hui largement contestée par une frange non négligeable de nos concitoyens de confession musulmane, comme cela ressort de toutes les études dans ce domaine. Mais d’autres groupes viennent aussi la disputer, comme un mouvement catholique traditionnel qui a repris de la vigueur avec la manif contre le « mariage pour tous », sans compter encore avec un courant évangéliste qui est en plein essor, et une tendance au repli communautaire qui touche une partie de nos concitoyens de confession juive, voire le CRAN, Conseil représentatif des associations noires de France, qui milite pour le multiculturalisme. La tache est ardue, et il ne suffira pas de quelques phrases bien tournées pour y faire face, d’autant que la chose n’est pas en phase de rémission mais qu’ici, il y a une véritable offensive, non seulement contre la laïcité, mais contre la République.
Le dernier rapport du Sénat sur la radicalisation désigne pour la première fois « un communautarisme hostile à la République » comme constituant un « terreau » de la radicalisation, qui conduit au terrorisme. La voilà, la menace, avec une propagation de cette radicalisation qui fait des percées un peu partout dans nos banlieues, avec un chiffre qui dépasse les 20.000 individus aujourd’hui. Et ce, avec un salafisme libre d’agir dans notre société, dont on sait combien ses membres sont à l’initiative, pour approcher dans les mosquées les plus fragiles, et les enfermer dans une religiosité qui les tournent contre elle. Rien sur ce sujet chez notre Président, qui croit pouvoir l’ignorer.
Pratiquer la politique des frontières ouvertes, comme le Président le souhaite, en s’alignant sur la politique migratoire de l’Union européenne qui provoque un appel d’air sur le continent européen, avec l‘arrivée quotidienne de 4000 à 6000 migrants par jour, témoigne d’une grave sous-estimation de la problématique de l’intégration. 200.000 migrants arrivent chaque année sur notre territoire, et près de 100.000 demandeurs d’asile, où domine une population venue de pays où l’islam est religion d’Etat. Ce qui n’est pas sans promettre certaines difficultés, d’autant plus, dans le contexte de la montée des affirmations identitaires en France, dont cette religion est le fer de lance, avec un courant de radicalisation qui n’a rien de négligeable.
Dans son dernier rapport, l’Observatoire national de la laïcité, par la voix de son président, émet le souhait que, "dans le débat sur la laïcité, certains médias, certains élus et certains intellectuels qui aujourd’hui cèdent au « culte de l’immédiateté » ou à celui du « clash », adoptent demain une position plus responsable, prenant le recul nécessaire à l’analyse". Soulignant la "sensibilité toujours très forte" sur les situations touchant "à la laïcité et aux faits religieux", Jean-Louis Bianco relève combien "les tensions et les crispations sur ces sujets restent importantes - même si les contestations du principe de laïcité semblent mieux contenues". Un appel à la prudence centré sur le respect des cultes, qui fait encore écho à la déclaration de cette institution lors de sa création, en 2012, osant affirmer qu’il n’y avait pas de problème en France avec la laïcité. Une lecture qui consiste à minimiser les dangers qui pèsent sur la République, que, seul, cet Observatoire qui est là pour les voir ne voit pas, en nous exposant ainsi au risque de l’inaction, alors qu’il y a péril en la demeure. Laisser cet Observatoire continuer à diffuser cette lecture des choses et cet état d’esprit serait un très mauvais signe pour la laïcité et le quinquennat qui commence. Voilà à quoi par exemple on jugera ce qui va advenir dans ce domaine, c’est-à-dire, à des actes."
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