Gérald Bronner, sociologue, auteur de "Déchéance de rationalité" (Grasset, 2019). 29 octobre 2019
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"« Ce qui est arrivé à Sylviane Agacinski est scandaleux. Les termes utilisés (homophobie…) par les associations qui ont bloqué sa conférence sont des mots de disqualification intellectuelle avec lesquels on traite un ennemi, pas un contradicteur. Je précise que toutes les associations ont parfaitement le droit d’exprimer une opinion et que, à titre personnel, je ne partage pas le point de vue de Sylviane Agacinski. Mais je me battrai pour qu’elle puisse le faire.
Cet épisode n’est qu’une nouvelle illustration de la tyrannie des minorités que je dénonce depuis des années. Les minorités ont toute légitimité à dire ce qu’elles pensent, mais ce qui se passe aujourd’hui est très grave.
Certains exercent une violence telle qu’on finit par croire qu’ils sont représentatifs, ce qui n’est absolument pas le cas. C’est la situation inversée de la tyrannie de la majorité, dont parlait Tocqueville.
Mais il y a plus grave encore : la pusillanimité de l’institution. L’université n’aurait pas dû céder à la pression de ces associations et annuler l’intervention de Sylviane Agacinski. En septembre dernier, alors que je devais intervenir à la faculté de sociologie de Bordeaux, des maîtresses de conférences ont tenté d’y faire obstacle. Le président de la faculté a tenu bon. Mais dans bien d’autres cas, les universités font preuve d’une forme d’apathie vis-à-vis de groupes de pression sur les questions de genre ou ethniques.
Pour l’instant, ces incidents sont encore peu nombreux, mais il faut regarder cela avec une extrême attention, sinon il finira par arriver en France ce que l’on observe sur certains campus américains. À l’université d’Evergreen, c’est effrayant. Des minorités ont fini par imposer leurs normes et il existe des jours où les « blancs » n’ont pas le droit de venir ! Au Canada, des associations antiracistes ont obtenu que soit effacée une fresque qui témoignait pourtant de la responsabilité de George Washington dans la traite des Amérindiens, au seul prétexte que cette représentation de l’esclavage offensait certaines minorités. On marche sur la tête ! Il faut absolument retrouve un peu de bon sens.
L’institution universitaire doit cesser d’être pusillanime. Il faut réagir, oser parler. Si l’université cesse d’être le lieu de la transmission des connaissances et de l’organisation du débat d’idées, alors elle trahit ce qui est son ADN. Le refus de la confrontation, la fermeture d’esprit sont en totale contradiction avec la réflexion scientifique, ils représentent la négation de l’université. »
Précision : La Croix a sollicité plusieurs universitaires, sociologues ou philosophes, qui nous ont tenu des propos semblables à ceux de Gérald Bronner mais n’ont pas souhaité que leurs noms apparaissent."
Lire "Gérald Bronner : « L’institution doit résister à la « tyrannie des minorités »".
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