Colloque « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture » (Paris, 7-8 jan. 22)

G. Abergel (CLR) : Déconstruction/reconstruction, "nous n’en sommes qu’à la première pierre" (Colloque « Après la déconstruction », 7-8 jan. 22)

Intervention de Gilbert Abergel, président du Comité Laïcité République. 10 janvier 2022

Merci Monsieur le Président de m’accorder quelques minutes pour vous dire quelques mots du CLR

Mais je veux, en premier lieu, remercier les organisateurs de ce colloque universitaire, le Collège de Philosophie, l’Observatoire du décolonialisme, pour avoir pensé et mis en œuvre, dans un contexte difficile, ce projet de rencontre et de réflexion partagées, auquel nous sommes heureux d’avoir été associés.

Et je veux rassurer ceux qui hier nous distribuaient des tracts où s’étalait leur peur de voir se tenir dans cette enceinte de la Sorbonne des propos réactionnaires, racistes, islamophobes. Je n’ai rien entendu de tel. Je n’ai croisé dans cet amphi aucun fasciste, n’ai rien entendu de contraire aux idéaux républicains. La défense de la raison et de l’universalisme était bien au rendez-vous.

Je dois préciser que nous sommes confrontés dans notre défense de la laïcité aux mêmes mensonges, aux mêmes procès d’intention, et cela n’a jamais affecté notre détermination.

Ce colloque est, donc, une réussite.

Ce n’est pas la première manifestation de contestation de ces croyances, woke et autres. Le Comité Laïcité République, des enseignants isolés, des étudiants résistants, s’y sont attelés depuis quelques temps, parfois en prenant des risques.

Mais c’est sans doute l’une des rares initiatives, sinon la première à ce jour, qui, refusant d’avoir perdu la bataille, propose de reconstruire, après avoir établi un diagnostic pluridisciplinaire et bien argumenté.

Nous n’en sommes qu’à la première pierre.

Au temps de l’incantation de la dénonciation, de l’invective, succède donc celui de l’élaboration, de la pensée. Il suffit d’ailleurs de consulter les réactions suscitées par cette initiative pour démontrer à quel point elle fait peur aux uns et rassure les autres, dont nous sommes car nous nous sommes souvent sentis un peu seuls.

Merci donc à tous les intervenants dont certains sont nos compagnons de route depuis quelques temps déjà.

Le Comité Laïcité République participe à ce combat, en proximité et en complémentarité avec les travaux universitaires. Il a été créé à l’issue de la première affaire dite du voile, qui s’est déroulée en 1989 au Collège Havez de Creil, une affaire que nous avions bien lue, avec d’autres, comme le signe d’une offensive de la pensée dogmatique et totalitaire. Nous avions le soutien d’Elisabeth Badinter, Regis Debray, Elisabeth de Fontenay, Claude Nicolet, Maurice Agulhon, Catherine Kintzler, Alain Finkelkraut, Patrick Kessel. Et, depuis, nous avons jeté toutes nos forces dans la bataille, pour la Raison, pour une laïcité non adjectivée, dénonçant ainsi :

  • Les multiples agressions contre la loi de séparation, notamment dans le champ de l’école de la République
  • Les menées de l’islam politique, leurs stratégies d’infériorisation de la femme, et leur prétention à faire prévaloir une organisation communautaire sur la République, sur le podium des islamophobes nous occupons une des plus hautes marches
  • Et aujourd’hui les attaques contre la Raison et l’Universalisme incarnées par ces courants venus pour l’essentiel d’Amérique du nord.

Trente ans que nous menons ces combats et quinze ans que nous récompensons, par l’attribution des prix de la Laïcité (national, international, sciences) des défenseurs acharnés de la cause républicaine.

Un prix décerné par un jury dont les présidents furent pour la dernière édition, Gérald Bronner et pour la première Elisabeth Badinter. Entre eux, Boualem Sansal, Jean Pierre Changeux, Antoine Sfeir, Jean Glavany, Charb,
Et dont les lauréats, je ne peux les citer tous, ont pour nom : Catherine Kintzler, Henry Pena Ruiz, Fathia Boudjahlat, Jean Pierre Obin, Jean Pierre Changeux, Tania de Montaigne, Fazil Say, Samuel Mayol, Boualem Sansal, Gilles Clavreul, Caroline Fourest, Nadia Geertz, Karima Benoune… et, pour les dernières éditions, Richard Malka, Rachel Khan, Yves Brechet, Kamel Daoud, Leila Mustapha, Cheik Mtaïtir, Rachida Hamdan, Laurent Bouvet…

Par ailleurs, nous organisons souvent des colloques (université, fait religieux en entreprise, sur les relations entre les partis politiques et la laïcité...)

Je ne vais pas faire le bilan de ces années de ces luttes, je les résumerai ainsi :
Depuis trente ans, avec ceux que je viens de nommer et de nombreux autres, nous avons mené ces combats contre ces multiples formes d’un fantasme messianique, de tabula rasa et d’abolition de la Loi, contre une vision millénariste et paranoïaque de l’histoire humaine.

Il s’agit bien, pour nos adversaires, de faire table rase d’un passé : impie, pour l’islam radical, honteux et culpabilisant pour les indigénistes, décoloniaux et autres partisans de la cancel culture.

Or nous savons que ce fantasme messianique de tabula rasa, de table rase, débouche toujours sur un totalitarisme.

Ce totalitarisme sévit déjà dans certaines de nos universités. Il est à l’œuvre dans certaines de nos banlieues. Il ambitionne de gangréner notre société toute entière.

Il y a donc urgence pour nos écoles, pour notre université.

Une école où notre message a encore parfois du mal à être entendu. Une rencontre récente avec des élèves de lycées auxquels nous proposions un échange sur la liberté de conscience, sur la distinction entre croyance et connaissance, rencontre à laquelle nos amis Alain Seksig et Nathalie Heinich ont participé, a révélé le fossé à combler pour faire revenir ces jeunes citoyens aux fondamentaux républicains.

Régulièrement, des sondages insistent sur ce décalage générationnel et sur la séduction qu’exercent sur les 15/30 ans ces visions du monde culpabilisantes, porteuses d’un ordre moral faisant fi de la raison, où la fierté identitaire prétend se substituer à celle de citoyen républicain.

Notre ami Charles Coutel nous a communiqué les résultats d’analyses et de sondages, citant particulièrement les travaux de Frédéric Dabi et Stewart Chau dans leur récent ouvrage La Fracture. Tous les sondages, toutes les analyses qualitatives confortent et confirmeront ce fossé qui s’est creusé entre nous et ces jeunes concitoyens que nous avons de plus en plus de mal à convaincre.

Nous payons aujourd’hui le prix de notre coupable naïveté, les errements de politiques éducatives instables, d’une formation lacunaire de nos enseignants.

Il nous faut donner à nos enfants les moyens de s’extraire de cette injonction contemporaine à ne vivre que dans et avec son temps, hors d’une histoire qui les a pourtant constitués. Il nous faut les aider à se situer dans un récit qui fait d’eux les héritiers des Lumières, une identité somme toute aussi noble que les artifices décoloniaux et indigénistes. L’enseignement de l’histoire y jouera une place prépondérante. Ce sera probablement l’un des thèmes qui seront abordés lors du colloque que la commission Ecole du CLR organisera dans les mois qui viennent.

Mesdames, messieurs,
Beaucoup l’ont précisé au cours de ces deux journées, ce travail ne fait que commencer, et il prendra du temps. Je veux, au nom du CLR, à nouveau remercier les intervenants de ce colloque qui donnera, j’en ai la conviction, une impulsion majeure à notre contre offensive pour une reconstruction des sciences et de la culture.

Le Comité Laïcité République y prendra toute sa place, celle d’une association militante entièrement tournée vers la défense des valeurs républicaines. Une association qui a besoin du monde universitaire pour ne pas sombrer dans l’incantation. Une association qui jouera son rôle de capteur des dérives aujourd’hui dénoncées, à l’école, dans nos cités, dans la parole de responsables perdus.

Notre participation à la reconstruction serait un appel à la résistance.

Je vous remercie.



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