Revue de presse

Entretien avec Pierre-André Taguieff (3) : "Les censeurs jouent les censurés" (marianne.net , 21 fév. 21)

Pierre-André Taguieff, philosophe et historien des idées. 25 février 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

JPEG - 10.9 ko

"[...] Dans le mot composé « islamo-gauchisme » – qui, je le souligne, n’est nullement un « concept venu de l’extrême droite », comme l’ânonnent les ignorants, les imbéciles et les gens de mauvaise foi –, le terme « gauchisme » renvoie indistinctement à tous les courants situés à l’extrême gauche ou à la « gauche de la gauche », bref, à la gauche qui se veut révolutionnaire et se distingue en cela de la gauche dite réformiste ou libérale, ou, si l’on préfère, de la social-démocratie. En France, dans l’espace politique, le NPA et La France Insoumise, sur la base des déclarations de leurs dirigeants et de leur participation à des manifestations islamistes (telle celle du 10 novembre 2019), peuvent être considérés globalement comme des partis islamo-gauchistes – même s’il faut pointer des résistances internes (tel Adrien Quatennens au sein de LFI). Durant quelques années, le couple Plenel-Ramadan a incarné l’islamo-gauchisme. [...]

Les soi-disant recherches sur « le racisme », « le genre » et « les discriminations » sont très généreusement financées, dès lors qu’elles sont présentées dans le jargon requis : « internationales, comparatives, innovantes, inclusives, interconnectées ». Elles bénéficient notamment de financements européens. Le militantisme académique « radical » est confortablement subventionné. [...]

Les « chercheurs » ou les « enseignants-chercheurs » qui disent s’inquiéter de ce projet d’enquête sur leurs pratiques et la qualité scientifique de leurs travaux sont pour beaucoup des militants décoloniaux, indigénistes et pseudo-antiracistes, pour la plupart pro-islamistes et parfois antijuifs, qui craignent que soit établie la médiocrité ou la nullité de leurs prétendus « travaux scientifiques » ainsi que dévoilées leurs actions d’endoctrinement et de propagande dans le cadre de leur enseignement ou sous couvert de colloques ou de séminaires militants (parfois fermés, « non mixtes »). Ils sont les premiers à ne pas respecter la liberté d’expression de leurs contradicteurs au sein du champ universitaire, à les diffamer (« réactionnaires », « racistes », « islamophobes », etc.) et à jeter aux orties les libertés académiques, en empêchant les conférenciers dont ils n’aiment pas les idées de les exprimer librement.

Ces censeurs, ces inquisiteurs et ces intolérants des gauches radicales installés dans l’Université sont les véritables maccarthystes de notre temps, qui ont mis en place un nouveau terrorisme intellectuel et installé un conformisme idéologique inédit. Ils prennent la posture victimaire dès qu’ils font l’objet d’une analyse critique. Leur point de vue a été parfaitement résumé sur Facebook le 18 février 2021 par ce message brillant de lucidité : « L’islamo-gauchisme n’a aucun sens. C’est comme le totalitarisme, concept inventé par l’agent Hannah Arendt sur ordre de la CIA pour nier la démocratie en URSS. » La sottise et les bouffées idéologiques vont bien ensemble.

Le paradoxe tragique de notre triste époque est dans l’inversion des accusations : les censeurs jouent les censurés, les destructeurs des libertés académiques prétendent les défendre, les vrais maccarthystes que sont les partisans du « woke » et de la « cancel culture » osent traiter de maccarthystes les défenseurs de la liberté d’expression. Bien qu’ils restent encore minoritaires, les décoloniaux ont colonisé des pans entiers de l’enseignement et de la recherche. Ils y pratiquent une impitoyable police de la pensée. On ne s’étonne pas de voir les bêtes à cornes les suivre et les applaudir. [...]"

Lire "Entretien avec Pierre-André Taguieff, troisième partie : "les censeurs jouent les censurés"".



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales