Revue de presse

"De la sauce blanche dans les cervelles" (Guy Konopnicki, Marianne, 27 fév. 15)

9 mars 2015

"Les assauts idéologiques s’avèrent aussi terri­fiants que les événements qu’ils sont censés éclairer. Ainsi, pour réconforter une gauche divisée sur la qualification de l’islamisme, Jean­-Christophe Cambadélis attribue à l’idéologie d’extrême droite la profanation du cimetière juif de Sarre-Union. Retrouver le vieil ennemi, ce serait tout de même épatant, surtout à la veille d’élections départementales qui menacent d’être calamiteuses.

Le secret imposé par la loi lorsque les prévenus sont mineurs permet de leur attribuer des idées. Ils sont donc classiquement fascistes, pour le premier secrétaire du PS. Florian Philippot réplique aussitôt que le meneur du groupe se définit plutôt comme un antifasciste, ayant même fréquenté cet étrange groupe qui se nomme Antifa.

En vérité, ces jeunes semblent se caractériser sur­tout par la présence d’une matière informe sous leurs crânes. Ils ont commencé par jurer qu’ils n’étaient pas antisémites, avant d’avouer qu’ils avaient joyeusement brisé des étoiles de David en proférant des slogans nazis. L’un d’eux pouvait fort bien s’être mêlé à un groupe de jeunes gens qui répètent des mots d’ordre antifascistes de la guerre d’Espagne, tout en singeant les manières de l’adversaire supposé. L’idée qu’ils se font du fascisme et de l’antifascisme ne doit pas grand-chose à la culture historique et se situe dans un espace imaginaire, sans rapport avec la réalité du combat politique. Le même gamin peut se prendre tour à tour pour un héros de Hemingway, qu’il n’a pas lu, et pour un adepte des théo­ries nazies, qu’il ne connaît pas non plus.

L’ennui, c’est que les grandes personnes qui s’affrontent à leur propos ne s’élèvent guère au-dessus du crétinisme ambiant. Chacun veut voir, dans la profanation du cimetière, l’antisémitisme de !’autre, sachant qu’il y en a bien deux. Mais, hélas, le cortège d’horreurs qui défile depuis un mois suscite plus de crispations que de réflexions. Il faut que le coupable soit l’autre et nul n’entreprend le début d’une réflexion sur lui-même.

Plusieurs partis, situés à la gauche de la gauche, appellent à un rassemblement contre l’islamophobie, en compagnie des organisations proches de l’islamisme. Le thème de ce rassemblement est bien étrange. Les attentats de Paris et de Copenhague peuvent provoquer un choc en retour, sous la forme d’un renforcement du racisme et de la xénophobie, qui identifient une partie des Français à leur religion supposée. On ne saurait mieux conforter le racisme et la xénophobie que par cette entreprise qui, sous prétexte de les défendre, range des Français et des immigrés dans une catégorie religieuse. Quelle belle manière de pratiquer l’amal­game entre l’origine, la religion et l’idéologie radicale qui s’en réclame ! Car l’accusation d’islamophobie vise les lois laïques, considérées comme agressives pour les croyants, et, bien sûr, la liberté d’expression, incompatible avec le respect exigé au nom de la religion. Les assassins de Charlie trouvent ainsi une justification. La France est islamophobe, voyons ! Elle ne permet pas qu’une foule se rassemble pour rendre hommage à un tueur, comme ce fut le cas à Copenhague.

En maniant ainsi l’islamophobie, les organisateurs du rassemblement prennent le risque d’inciter les jeunes des cités à se sentir visés par la réprobation du terro­risme. Comme si l’évocation de la terreur qui régnait à Tombouctou stigmatisait la population qui en fut victime ! Mais on nous dira sans doute que les Césars étaient aussi une manifestation d’islamophobie ! Car c’est bien l’amalgame que suggère ce mot que l’on agite. Depuis plus de vingt ans, des groupes armés d’Algérie à Daech, l’islamisme radical a massacré des dizaines de milliers de musulmans. Il intervient en France, non seulement pour tuer des journalistes, des dessinateurs antiracistes, des policiers et des juifs, mais aussi pour provoquer une fracture au sein de la société française, par l’isolement d’une population réputée musulmane. De ce point de vue, il est en passe de réussir !"

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