Didier Leschi, historien, ancien préfet pour l’Egalité des chances, en Seine-Saint-Denis, auteur de "Misères de l’islam de France" (Le Cerf). 25 juin 2017
"Pour l’ancien préfet Didier Leschi, la porte-parole du Parti des Indigènes de la République, Houria Bouteldja, maintient l’idée de domination et propose de l’inverser, au lieu de la renverser."
"L’utilisation de la catégorie de « race », même avec la volonté de défendre ceux qui sont issus des mondes coloniaux, et qui seraient les « indigènes » de l’intérieur opprimés par « les Blancs et leurs alliés juifs », favorise-t-elle le combat pour l’égalité des droits ? C’est ce qu’affirment des militants qui considèrent que l’humanisme de tradition socialiste est un universalisme qui empêcherait de prendre en compte la spécificité des oppressions, militants dont la principale propagandiste est Houria Bouteldja.
Ceux qui prêtent crédit à ses propos ne se basent pas tant sur ses dires ou écrits, mais sur cette idée qu’elle serait aujourd’hui la figure de l’hérétique, du scandaleux qui provoque au nom d’un amour supérieur du réel. Nous serions face à elle comme le furent d’autres censeurs face à Pasolini ou Genet. Par conformisme, nous serions sourds aux innovations d’un discours radical à partir de la réhabilitation de cette idée de la race.
Mais, nous dit-on, l’émancipation qui nous concerne tous est à ce prix. La violence qui serait faite à notre sensibilité, à nos intuitions normatives serait donc un progrès. Or, ces nouveaux damnés de la terre défendent un projet identitaire qui maintient l’idée de domination et propose de l’inverser et non de la renverser au profit de tous. En ce sens, le nouvel acteur social promu est à l’opposé du prolétaire dont le combat émancipera l’ensemble de la société, selon la pensée de Marx.
Bien au contraire, dans cette perspective « indigène », ce qui est réhabilité ce sont les identités, qui valorisent les structures d’appartenance où chaque individu doit d’abord prêter allégeance à ce qui l’enferme. Ainsi, une femme « indigène » devrait définir son identité selon la formule de Houria Bouteldja : « J’appartiens à ma famille, à mon clan, à ma race, à l’Algérie, à l’islam. »
Comment ne pas entendre que cette pensée se confond avec celle de Jean-Marie Le Pen ? Certes, on veut s’opposer aux "Français de souche", mais, par là même, ce projet légitime le vocable et l’idée de l’existence de souche et d’appartenance de sang aux dépens du libre arbitre et de la culture. Pas étonnant que les tenants de ce qui se veut la radicalité pour notre époque se déclarent opposés aux mariages mixtes, dont l’idée devrait même susciter le dégoût, un discours que l’on n’avait plus entendu depuis Vichy. [...]
Pauvre contre pauvre, la légitimation du combat de la race que véhicule ce type de discours fait disparaître chez trop de jeunes l’idée d’un front commun possible au-delà des assignations, brise la capacité à reconstituer un peuple politique, fort de ses altérités et non les opposant les unes aux autres. La portée réactionnaire de ce discours écrase le combat social. [...]"
Lire "Didier Leschi : « La portée réactionnaire du discours de la race écrase le combat social »".
Lire aussi R. Redeker : "Affaire Houria Bouteldja : la pétition, hologramme de « l’intellectuel de confort »" (lefigaro.fr/vox , 23 juin 17), J. Dion : "Touche pas à ma raciste !" (marianne.net , 20 juin 17), "La gauche déchirée par le « racisme antiraciste »" (J. Birnbaum, lemonde.fr , 9 juin 17), "Houria Bouteldja ou le racisme pour les nuls" (J. Dion, Marianne , 1er av. 16), les notes de lecture H. Bouteldja : Le complexe de persécution par Khaled Slougui, D. Leschi : Comment reprendre le chemin d’un "islam des Lumières" par Patrick Kessel (note du CLR).
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