12 décembre 2015
PRÉVENTION. 857 cas de suspicion de dérive religieuse ont été recensés depuis un an par l’Education nationale.
Même rapporté aux 6 millions d’élèves de l’enseignement secondaire, le chiffre interpelle : 857 suspicions de radicalisation de collégiens ou lycéens ont été recensées depuis un an par l’Education nationale et transmises aux missions spécialisées des préfectures.
Alors que les moins de 21 ans représentent aujourd’hui 7 000 cas transmis au numéro vert Stop djihadisme, selon les chiffres de la Miviludes (la mission de lutte contre les dérives sectaires), les salles de classe semblent en première ligne dans la détection des jeunes à la dérive, happés par la propagande massive diffusée par Daech sur les réseaux sociaux.
La sonnette d’alarme a été tirée sur le sujet avant les attentats de janvier, même si « les réactions de certains élèves au sujet de Charlie Hebdo ont permis d’ouvrir les yeux sur le fossé creusé entre une partie de la jeunesse et une autre partie de la société, et ont provoqué une prise de conscience », observe Serge Blisko, le président de la Miviludes. A l’Education nationale, le premier plan de prévention de la radicalisation date d’avril 2014. Le décompte des cas inquiétants a été instauré dans la foulée, en novembre.
Tous les enseignants, conseillers d’éducation et chefs d’établissement sont incités à faire part à leur hiérarchie, dans les rectorats, des indices laissant craindre une dérive jihadiste d’un élève, comme ils le font déjà depuis longtemps dans d’autres domaines, en signalant les cas de violences, de harcèlement ou de racket par exemple. Il peut s’agir de « discours de rejet de la société occidentale », d’un soudain repli sur soi ou d’une rupture avec les amis, l’école et la famille, précise un livret explicatif transmis aux établissements.
« Les données qui nous remontent sont anonymisées, nous n’avons pas de fichier nominatif, précise-t-on Rue de Grenelle. Il ne s’agit pas de délation, et les enseignants l’ont compris : en signalant ces situations, ils sont dans leur rôle de protection de l’enfance. Les jeunes qui se radicalisent sont sous emprise, et en danger. » Les inspecteurs d’académie, quand ils sont saisis d’un cas préoccupant, « en font part aux cellules spécialisées de la préfecture, en lien avec le ministère de l’Intérieur, pour un éventuel suivi », poursuit-on au ministère.
Depuis un an se développent des formations des cadres de l’Education nationale censées les aider à détecter les signes inquiétants. « Il ne faut pas se tromper : les discours tapageurs de certains ados sur la religion ne veulent pas dire grand-chose, observe ce proviseur de lycée. Ce sont surtout les modifications brutales de comportement qui doivent inquiéter. » Pour Serge Blisko, il faut porter attention « à l’effondrement brutal des notes, à l’absentéisme et au refus soudain de faire du sport, d’écouter de la musique, de fréquenter des camarades du sexe opposé. La radicalisation n’est pas une révolte, c’est une sorte de dépression, civique et scolaire. »
C’est la première journée de la laïcité
La date a été choisie en référence à l’anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat : aujourd’hui, 9 décembre, se tient la première Journée nationale de la laÏcité dans les écoles. Sous certains préaux, des classes planteront des « arbres de la laïcité » quand d’autres exposeront des dessins ou des affiches illustrant la Charte de la laïcité, apposée depuis 2013 dans tous les établissements scolaires.
« Dans le secondaire, les actions prendront plutôt la forme de pièces de théâtre, de conférences et de débats », précise-t-on au ministère. Dans l’académie de Besançon, un collège a aussi invité les parents à assister à un débat orchestré par les jeunes.
Mais, s’ils sont incités à célébrer cette première journée, tous les établissements ne jouent pas le jeu. Dans certaines classes, il ne se passera rien. « La date est mal choisie : on est en plein dans les conseils de classe et les rencontres avec les parents, il y a des problèmes de discipline à régler, on a plus urgent à faire en ce moment », s’agace un professeur de banlieue parisienne. Lui préfère parler à ses élèves de laïcité et des valeurs républicaines « au quotidien », au fil des cours, plutôt que dans une journée officielle."
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