par Philippe Foussier 29 décembre 2010
Lire aussi Président-fondateur du Comité Laïcité République, Claude Nicolet nous a quittés (30 déc. 10).
« Invoquer le « droit à la différence » contre toutes les formes de ségrégation procède d’une excellente intention : mais cela conduit très vite à la différence des droits, c’est-à-dire à une forme d’inégalité encore plus insupportable, puisque désormais fixée par la loi et tenant à la naissance : cela, nous ne pouvons l’accepter ».
La République en France, état des lieux, Seuil, 1992, p. 115
« L’Ecole de la République ne peut simplement être le lieu où se reproduisent, pour la formation et l’éducation de ses futurs membres, les composantes multiples de la société civile. Il ne suffit pas, pour les réunir, de les faire coexister. Il faut identifier, dégager et enseigner ce qui est vraiment commun à tous, et pour être sur de n’exclure personne, il ne faut rien enseigner qui attache ou rattache à des formes particulières d’ « appartenance ». Ce mot lui-même, si l’on y songe, est profondément choquant. L’Ecole de la République doit enseigner, au contraire, les instruments intellectuels et moraux qui permettront à chaque futur homme et chaque futur citoyen de n’avoir que des « appartenances » librement choisies par lui. « Cultures » ethniques (corses, occitanes, juives ou canaques) ou « religions » (que notre naissance nous assigne) n’ont pas à être enseignées, pas plus, bien sûr, qu’elles n’ont à être décriées, dans l’Ecole publique. En deçà de ces hasards qui devraient devenir les choix de l’adulte (pour que la liberté et l’égalité des enfants soient respectées), ce sont les instruments du savoir et du libre arbitre, les fondements des « valeurs » communes, l’éducation à la vie civique qui, seuls, peuvent être enseignées à tous. Aller au-delà serait, sous prétexte de liberté, violer l’égalité et, pour la République, renoncer à elle-même.
C’est précisément pour que les religions, comme les autres particularismes, puissent coexister pacifiquement dans la société civile, dans leur sphère privée et protégée, qu’il faut qu’à l’Ecole (où se prépare le futur) on laisse les couteaux au vestiaire. La paix civile est à ce prix. La laïcité n’exclut personne ; mais, pour inclure tout le monde, elle doit nécessairement exclure les prétentions abusives de chacun ».
Id., p. 118.
« La laïcité est (…) bien plus qu’un contrat ou qu’une législation (ce qu’elle est aussi bien sur) : c’est un exercice spirituel, un combat permanent de soi contre soi, dont l’enjeu est la pensée libre ; ni la pensée ni la liberté ne sont choses faciles. De même, la République est aussi un combat quotidien, mais collectif, contre les pièges que tendent, dans une société comme la nôtre, les nostalgies et les survivances de la monarchie, des dogmes et des croyances, des privilèges de naissance, l’arrogance des nantis et des « bien nés », et plus encore peut être les courtisaneries, les sottises de la mode et même les bons sentiments ».
Histoire, nation, République, Odile Jacob, 2000, p. 16
« La nation est à ce jour le cadre le plus cohérent, le plus efficace et surtout le seul suffisamment solide et étendu pour permettre à l’Etat qui est son expression de se faire entendre et respecter. Que les représentants, avoués ou clandestins, des intérêts purement marchands s’efforcent hypocritement de ruiner cet Etat républicain en le morcelant à l’intérieur sous prétexte des régions et en tenant de l’étouffer à l’extérieur par l’Europe n’a en somme rien d’étonnant : ils sont dans leur rôle. Mais que les héritiers des républicains ou des socialistes donnent tête baissée dans ce piège, c’est un des paradoxes les plus douloureux de notre situation politique. Que d’autres s’y résignent. Ce n’est pas mon cas ».
id., pp. 25-26
« En renvoyant la Révolution française au musée de l’histoire, en déclarant qu’elle n’est plus politiquement opératoire, on nous invite aimablement, des rives du parisianisme le plus distingué, à devenir, enfin, convenables, à nous fondre dans une République américano-atlantique où la liberté est celle des individualistes, des modernes, où le peuple est une juxtaposition de communautés coexistant harmonieusement dans une neutralité bienveillante ; à renoncer bien sûr à l’illusion touchante de l’universalisme, à l’ambition d’avoir proposé aux hommes de se passer des transcendances. (…) Cette fausse leçon de modestie venue du centre droit libéral plaira à tous ceux qui ont toujours, en France, cédé au douteux prestige de la puissance et du nombre. Curieusement, elle plaira aussi à la gauche-credo, toujours prête à abdiquer ses propres valeurs (la liberté, l’égalité, la laïcité) pour peu qu’elles risquent de choquer la moindre de identités, religieuse ou raciale, du tiers-monde ».
id., pp. 84-85
« Quels que soient la vertu de ses fondateurs et le zèle de ses défenseurs, la République n’est rien si elle n’est peuplée de républicains. Mais on ne devient pas républicain par droit d’aînesse, par héritage ou par l’opération du Saint Esprit. La République doit être expliquée, démontrée et défendue constamment. Pour tout dire, elle doit être enseignée. Qui, à part quelques uns, s’est sérieusement soucié de le faire parmi nous ? ».
Id., pp. 103-104
Sélection des extraits : Philippe Foussier
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