Caroline Fourest, journaliste, essayiste, auteur de "Génie de la laïcité" (Grasset). 16 juin 2018
"Si vous rêviez d’entendre le rappeur Médine crucifier la laïcité et vomir en chantant sur Charlie au Bataclan, c’est trop tard. Tous les billets sont déjà vendus. Le spectacle affiche complet. On espère que le pourcentage récolté permettra au moins de réparer les derniers impacts de balles sur la moquette et laver le sang séché. En revanche, on ne voit pas bien comment nettoyer cet immense glaviot lancé à la figure des victimes.
Moins de trois ans après les attentats de Paris, cette affiche résume à elle seule le renoncement d’une partie du pays à mener la bataille culturelle et morale contre l’islamisme.
Ainsi le Bataclan, qui a refoulé des membres du groupe Eagles Of Death Metal en raison de propos polémiques, ne montre pas la même exigence envers le rappeur Médine. Que des marchands de salle touchés par un tel drame ne voient pas l’énormité de programmer un tel chanteur laisse sans voix. Qu’on ne puisse même pas s’en émouvoir sans entendre de mauvaises langues crier à la censure ou au racisme, comme le tragico-comique Yassine Belattar, promu conseiller par l’Elysée, permet de mesurer l’emprise du syndrome de Stockholm qui nous gagne et nous ronge. Les djihadistes renonceraient à commettre des actes d’une telle cruauté s’ils renforçaient notre détermination. Heureusement pour eux, chaque fois qu’ils frappent, il se trouve des supplétifs pour finir leur travail et nous désarmer en nous culpabilisant.
Le rappeur Médine fait partie de ces agents de désarmement culturel. Ses chansons et son album Jihad intoxiquent les oreilles de toute une jeunesse, la monte contre une autre, contre son pays, contre elle-même. Quand il ne pose pas en tendant le bras façon quenelle, il fredonne « Crucifions les laïcards comme à Golgotha ». Voilà pour le credo. Et voici le couplet : « Ils n’ont ni Dieu ni maître à part maître Kanter. Je scie l’arbre de leur laïcité avant qu’on ne le mette en terre. » [...]"
Lire aussi « Au nom de la décence publique, le rappeur Médine ne doit pas chanter au Bataclan ! » (collectif, Le Figaro, 13 juin 18), J.-P. Sakoun : "Médine ou l’étau identitaire" (marianne.net , 11 juin 18) (note du CLR).
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