Revue de presse

"Anne-Marie Lizin. Femme politique belge et féministe" (Le Monde, 22 oct. 15)

21 octobre 2015

"Anne-Marie Lizin était à la fois une femme politique belge et une grande féministe, engagée dans tous les combats internationaux pour les droits et la liberté des femmes. Elle est morte à Huy, en Belgique, ville dont elle a été longtemps la bourgmestre, le 17 octobre. Elle était âgée de 66 ans.

Née le 5 janvier 1949 à Huy, Anne-Marie Vanderspeeten – qui utilisera le nom de son mari, Michel Lizin, dans sa vie publique – était, disait naguère un ami dans un portrait fait pour le journal belge Le Soir, l’héroïne d’une " saga diplomatique " qui a commencé dès qu’elle est entrée au service d’Henri Simonet, devenu commissaire européen en 1973 puis ministre des affaires étrangères en 1977.

Ainsi introduite, et avec du courage et du culot, elle est devenue députée européenne (1979-1988), puis secrétaire d’Etat aux affaires européennes du gouvernement belge (1988-1992). Elle a ensuite été la première femme présidente du Sénat de Belgique, du 20 juillet 2004 au 12 juillet 2007. Parallèlement, depuis 1983, elle était bourgmestre de la ville de Huy et l’est restée jusqu’en 2009.

En mars 2009, elle est remplacée par Micheline Toussaint-Richardeau (PS) alors qu’elle vient d’être suspendue par le Parti socialiste en raison d’une procédure judiciaire qui lui vaudra une amende et cinq ans d’inéligibilité. Accusée par un reportage de la RTBF, elle avait fait travailler des membres de son administration pour sa campagne électorale. Une pratique assez largement répandue jusque-là mais rarement punie, d’où l’aigreur d’Anne-Marie Lizin. Elle est allée jusqu’en cassation, en vain. Elle a, aussi, toujours affirmé son innocence dans une affaire d’abus de biens sociaux au Centre hospitalier de Huy. " Elle était une tornade politique et n’avait pas compris qu’on avait changé d’époque " écrivait, lundi 19 octobre, La Libre Belgique.

Féministe, elle l’était depuis toujours. Simone Veil, qui l’avait côtoyée au Parlement européen, ne cachait pas son admiration pour elle : " Anne-Marie est engagée partout où il y a des problèmes qui concernent les femmes. Nous avons la même vision de ce combat, qu’elle mène avec fougue. Nous avons travaillé ensemble sur la question des femmes en Tunisie, en Croatie, en Bosnie. Elle est chaleureuse, elle mène le combat joyeusement. "

Dès 1983, Anne-Marie Lizin avait déposé, en tant qu’eurodéputé, un projet d’extension de l’asile politique aux femmes victimes de persécutions pour des raisons de sexe. " C’est à ce moment-là que je l’ai connue, se souvient Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes. Nous étions en train de créer la Ligue. J’ai pris contact avec elle, elle a répondu immédiatement, et, depuis, n’a cessé de travailler avec nous. Elle est devenue, quelques années plus tard vice-présidente de la Ligue. Elle était un précieux atout pour nous, car la complémentarité entre le monde associatif et le monde politique est nécessaire pour mener à bien les actions. "

Cofondatrice de l’association Atlanta + – qui milite notamment pour le respect de la Charte olympique par les athlètes féminines (pas de voile) –, Anne-Marie Lizin était aussi membre du jury du prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes.

Elle a participé à de multiples commissions d’enquête : sur le génocide du Rwanda, sur le trafic d’être humains, etc. Chef de la délégation belge à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sous la législature 2003-2007, elle fut également présidente du Comité des droits de l’homme de l’assemblée parlementaire de l’OSCE. A ce titre, elle est chargée, de décembre 2005 à juillet 2008, par le président de l’assemblée plénière de l’OSCE, d’enquêter sur le centre de détention américain de Guantanamo, centre qu’elle visitera en mars 2006, juin 2007 et mars 2008.

Auteur d’une douzaine de livres, Anne-Marie Lizin en avait certainement plusieurs encore à écrire, elle qui ne cessait de combattre pour une égalité entre femmes et hommes, toujours en devenir. Un de ses premiers textes était Femmes d’Europe et du tiers-monde, quelle solidarité ? (éd. Nathan Labor, 1983) et l’un des plus récents Mission Guantanamo : les négociations secrètes pour vider la prison (éd. Perrin, 2008).

Josyane Savigneau"



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