par Gérard Durand. 16 mai 2021
[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Amos Oz, Jésus et Judas, préface de Delphine Horvilleur, éd. Grasset, mars 2021, 96 p., 8 €.
Je reconnais volontiers qu’une note sur un livre portant ce titre, venant d’un athée convaincu, peut surprendre. Il est vrai qu’en achetant ce petit livre d’un peu plus de cinquante pages, j’ai été plus attiré par ses auteurs que par l’histoire elle-même. Je parle des auteurs car Delphine Horvilleur, en rédigeant les quelques pages d’introduction est parvenue à se lier de si près au texte d’Amos Oz que l’on n’imagine pas qu’il soit possible d’en séparer les deux parties. Cette lettre à un auteur décédé deux ans plus tôt est en quelque sorte une introduction à la postérité.
Le sujet traité ici est celui de la traitrise. Comment le qualificatif de traitre peut il surgir et s’accrocher à un individu ? Les deux auteurs parlent en connaissance de cause car, dans la pratique de leur religion et par leurs écrits, ils ont tous deux « bénéficié » de cette appellation infamante, délivrée par les traditionalistes les plus obscurs.
Amos Oz nous parle de Judas, le traitre parfait, celui offert à la vindicte populaire depuis des siècles et dont l’image détestable va alimenter l’antisémitisme. Pour lui le personnage de la vulgate n’a aucun sens. Judas Iscariote était le plus fervent, presque fanatique, des admirateurs et disciples de Jésus qu’il aurait vendu pour 30 deniers après l’avoir désigné aux soldats romains par un baiser. Des savants ont calculé que trente deniers correspondraient aujourd’hui à environ 600 euros, or Judas appartient à une famille richissime et fréquente la plus haute société, voilà qui enlève toute valeur à l’argument financier. Reste le baiser qui ne tient pas d’avantage pour la simple raison que Jésus était une sorte de super star, connu de tous, qui quelques jours avant sa capture venait encore de s’illustrer en chassant les marchands du temple. Que les soldats aient eu besoin d’un signal quelconque pour le reconnaitre relève de la farce. Enfin, si le traître avait agi pour de l’argent, pourquoi se serait-il suicidé ?
Après avoir réduit le mythe à néant, Oz présente d’autres hypothèses que mon absence de culture biblique ne me permet pas d’évoquer et je m’arrête là. Mais je ne peux que vous confirmer que la lecture de ce petit opus est un vrai délice pour tout esprit ouvert.
Gérard Durand
Voir aussi la note de lecture de Patrick Kessel Amoz Oz : Ultime salve contre le fanatisme avant de mourir (P. Kessel) dans Notes de lecture dans Culture (note du CLR).
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