Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 2 janvier 2023
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Affaire Bastien Vivès : le wokisme, ça n’existe pas… Quelle blague ! Par Abnousse Shalmani".
"Mais non enfin ! Quel wokisme ? Cela n’existe que dans l’esprit dérangé de militants fascistes ! Et même si ça existait pour de vrai, serait-ce négatif ? Ce sont les nouvelles Lumières ! L’éveil face aux discriminations qu’il faut combattre, comme nos aïeuls luttaient contre les nazis ! La "cancel culture" ? Quelle cancel culture ? Ah ! Vous parlez de cette démarche si saine qui consiste à effacer tout ce qui peut bousculer, blesser, rappeler les pages les plus sombres de l’Histoire ? Mais ce n’est pas de la "cancel culture" ! Vous n’y êtes pas du tout !
Ce que vous appelez "cancel culture" est une bienveillance : la prise en compte des sensibilités de tous les individus, la reconnaissance des petites blessures quotidiennes, l’effacement des mots, personnages, monuments qui offusquent, braquent, tuent à petit feu ! Vraiment, vous n’y êtes pas, vous refusez le progrès, l’humanité, l’avenir débarrassé des scories malsaines du passé ! Vraiment ?
La professeure de danse de salon de Science Po, Valérie Plazenet, a démissionné après huit ans de bons et gracieux services, parce qu’elle ne voulait pas s’excuser et changer de vocabulaire. Un ou deux étudiants se sont scandalisés que Valérie Plazenet refuse obstinément d’utiliser les termes follower-leader au lieu d’hommes et de femmes. Ce qui équivaut au Wokistan à un crime de sexisme et d’homophobie, ayant pour conséquence de rendre la danse insupportable pour nos étudiants sensibilisés à l’os. Un matin vous vous réveillez gaiement dans votre sexe biologique et vous découvrez soudain que c’est une insulte ! Taisez ce sexe que je ne saurai nommer ! Car dire "le sexe", c’est brimer le genre. Cher lecteur, ne t’affole pas : moi-même, j’ai encore beaucoup de mal à maîtriser le vocabulaire du Wokistan qui n’existe, par ailleurs, que dans les esprits malades de fascisme !
Science Po, capitale du "Wokistan"
L’accusation d’homophobie est un chouïa plus surprenante. L’homosexualité étant l’union de deux êtres humains du même sexe, comment peut-on se choquer d’entendre prononcer et à haute voix encore homme et femme ? L’Iran étant sous les feux de l’actualité, savais-tu, cher lecteur, que si l’homosexualité est punie de mort au pays des barbus et des corbeaux, la transsexualité y est reconnue et les opérations de changement de sexe remboursées par la mollahrchie ? Il en est de même au Pakistan et autres pays où l’on meurt d’être homo.
Car la subversion vient de l’homosexualité tandis que la transsexualité remet les pendules à l’heure du bigot. Ce désir inapproprié, voire criminel, pour un humain au sexe similaire était donc une erreur de Dieu, un raté dans la fabrication ! On rectifie le tir et hommes et femmes (oups !) peuvent s’aimer naturellement ! Rien de surprenant finalement dans la capitale du Wokistan qu’est Science Po. Rappelez-vous, fin juin 2022 - ce qui aurait dû être un scandale national - la censure d’un séminaire intitulé "Biologie, évolution et genre". Darwin étant persona non grata à Science Po, est-ce si surprenant de voir censurer la professeure de danse de salon qui ose le féminin et le masculin ? Mais rassurez-vous : c’est pour votre bien ! La déconstruction passe par la libération du sexe au profit de la proclamation du genre ! Science Po la prestigieuse serait-elle en train de devenir une fabrique d’imbéciles blessés par la réalité de leur entrejambe ?
La "cancel culture" est l’arme des ignorants, la massue des incultes, le purgatoire de l’art. L’autre affaire dont je veux vous parler n’a pas pris plus de deux jours à faire ses dégâts. La censure s’est abattue sur Bastien Vivès, bédéiste, auquel le festival d’Angoulême voulait consacrer une exposition : il a été "cancellé" par une fronde qui voulait sa peau et l’a obtenue pour apologie de l’inceste, de la pédocriminalité et de la pédopornographie. On lui reproche aussi sa misogynie. Bien entendu, le tableau de ses crimes ne serait pas complet sinon. Un monstre donc. Un dessinateur qui ose dessiner ce qui perturbe et dérange. Qui questionne donc. J’avoue être de ses lecteurs et l’avoir découvert avec Polina, où à travers le destin d’une jeune danseuse, il nous cause émancipation et art, sacrifice et beauté. Il s’est aussi essayé à la pornographie à la sauce satirique, ce qui a fait ma joie et mes rires.
Bastien Vivès ne fait pas dans la pédagogie, il fait dans l’art. Il ne pose pas de jugement, il pose la vie à la pointe du crayon, même dégueulasse, surtout taboue. Il ne fait pas de bons sentiments, il évolue dans la zone grise, il se promène dans les fantasmes, dans les couches inavouables de la psyché humaine : "L’art vole autour de la vérité, mais avec la volonté bien arrêtée de ne pas se brûler", comme nous le rappelle Franz Kafka."
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Sciences Po Paris : prof de danse évincée dans la rubrique Sciences Po Paris dans Enseignement supérieur,
les dossiers "Cancel culture" dans Liberté d’expression : culture, "Wokisme", dans Liberté d’expression (note du CLR).
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