12 octobre 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"La prestigieuse école dévoile ce lundi les détails de son nouveau concours, inspiré des grandes universités américaines, dont nous avons pu consulter les contours.
Par Christel Brigaudeau
« En deux minutes, dites-nous qui vous êtes » dira la voix dans l’ordinateur, ou plus exactement, l’examinateur de l’autre côté de l’écran. Ainsi débutera à partir de cette année, l’entretien d’admission à Sciences Po.
Vingt ans après avoir secoué le cocotier de l’élitisme, en introduisant une dose de discrimination positive dans son recrutement, l’école de la rue Saint-Guillaume annonce ce lundi les détails d’une réforme profonde de sa procédure de sélection. Y disparaît ce sur quoi les grandes écoles françaises fondent leur prestige : des écrits ultra-sélectifs. La nouvelle procédure, dans un style plus anglo-saxon, comprendra quatre volets, reposant sur les notes obtenues au lycée, mais aussi sur des éléments plus subjectifs, visant à dénicher, plutôt que des forts en thème, des « potentiels » et des personnalités.
Selon un document interne que le Parisien s’est procuré, une partie de la note des candidats sera basée sur « une analyse qualitative de la trajectoire et du contexte socio-scolaire » du lycéen. Deux examinateurs compareront les notes de l’élève avec son origine sociale, sa place dans son lycée, sa progression. Chacun attribuera une note sur 10, et la somme des deux, sur 20, comptera pour un quart de la note finale d’admission.
Un autre quart distinguera des écrits personnels, notamment une rédaction d’une page répondant à une question, sur cinq au choix. Les candidats seront encouragés à « être sincères et à rédiger seuls leurs réponses, sans intervention extérieure qui risquerait de dénaturer le récit », indique l’école, dans le même document, consciente « des interrogations sur une possible intervention de tiers » que pourra susciter le processus.
De fait, les questions, avant même la présentation officielle du projet, ont commencé à fleurir dans le monde des grandes écoles, priées fortement de redoubler d’efforts, pour diversifier la physionomie de leurs amphis. La ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, vient ainsi d’annoncer la création, dans les concours de la haute fonction publique, de « voies d’accès pour les candidats issus des milieux modestes. Avec, à chaque fois, des places réservées ». Bref, un processus de discrimination positive sur lequel le directeur de l’ENA, Patrick Gérard, est donc prié de travailler, 20 ans après Sciences Po.
La mission est d’autant plus difficile « que le nombre de places au concours s’est réduit au fil des années, relève Patrick Gérard. On en avait 40 au concours externe en 2020 contre une centaine à l’époque de la promotion Voltaire (NDLR : en 1980). Et on arrive en bout de chaîne, à bac + 7 ou 8, quand la sélection s’est déjà opérée ».
Même argument du côté des grandes écoles, qui recrutent à l’issue de classes prépas aux allures de terribles videurs. A Polytechnique, 80 % des étudiants sont issus… de seulement dix lycées différents. Un entonnoir « dont il faut faire le chemin à l’envers, incite la sociologue Marie Duru-Bellat, autrice avec François Dubet de « L’école peut-elle sauver la démocratie ? » (Ed. Seuil, 2020, 240 pages, 17 euros). Les carrières scolaires dans notre pays se déterminent dès le primaire. Tant qu’on donne toute l’importance au niveau scolaire dans un concours, on entérine les inégalités ».
A Sciences Po, l’enjeu sera moins de faire entrer des étudiants issus de milieux défavorisés, déjà présents (en faible nombre) grâce à la discrimination positive, que de « faire revenir les enfants des petites classes moyennes, quasiment disparus ces dernières années de Sciences Po et de quelques autres instituts d’études politiques », analyse Annabelle Allouch, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Picardie. L’école, en particulier, a prévu de nouer de nouveaux partenariats avec des lycées de petites villes de province, et à la campagne."
Lire "Admission à Sciences Po : pourquoi la grande école change tout".
Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Sciences Po Paris : sélection dans Sciences Po Paris (note du CLR).
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