(L’Express, 21 déc. 23). Abnousse Shalmani, journaliste, essayiste, écrivain et réalisatrice, présidente du jury du Prix de la Laïcité 2023. 24 décembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Des universités américaines à Sciences Po : le naufrage du néoféminisme, par Abnousse Shalmani".
"Les néoféministes en sont persuadées et le répètent à longueur de tweets et de conférences : si les femmes étaient au pouvoir, les choses iraient mieux, il y aurait moins de guerre, d’inégalités, de racisme, de violence, etc. (Margaret Thatcher et Benazir Bhutto apprécieront d’être enfin reconnues à leur juste mesure). L’audition des présidentes des trois principales universités américaines (Harvard, le MIT et l’université de Pennsylvanie, "Penn") par la commission de la Chambre des représentants des Etats-Unis prouve le contraire. Le 7 décembre dernier, la représentante républicaine de l’Etat de New York, Elise Stefanik, leur a posé à chacune une question très simple : "Est-ce qu’appeler au génocide des juifs est contraire aux codes de leurs universités ?" La présidente de Penn, Liz Magill, a répondu : "Si le discours se transforme en comportement, alors il pourrait s’agir de harcèlement." Pour celle de Harvard, Claudine Gay, "cela pourrait être le cas, en fonction du contexte", et pour Sally Kornbluth, présidente du MIT, "si cela vise des individus et non des déclarations publiques". Je résume : si le génocide est effectif, si l’appel est suivi d’un génocide en vrai, oui, cela peut être grave, donc poursuivi, mais tout dépend du contexte quand même.
Les trois ont tenté de justifier leur réponse par le premier amendement de la Constitution américaine : "Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse." Soyons honnête : ça n’était là qu’un l’alibi masquant (mal) leur incapacité à dénoncer l’appel au génocide des juifs. Jamais dans l’histoire des universités américaines la liberté académique et d’expression n’a été autant mise à mal (hors antisémitisme – je précise pour les distraits). Si en tant qu’avocat professeur à Harvard vous choisissez d’être un conseil d’Harvey Weinstein, vous serez immédiatement viré par Claudine Gay ; si en tant que biologiste vous confirmez la réalité réelle de deux sexes, vous êtes viré par Claudine Gay. Si vous osez défendre la méritocratie aussi. Les universités d’élite américaines sont devenues l’Olympe de l’intransigeance dogmatique, du refus obtus du débat et de l’expression de théories raciales ineptes. Rien ne peut s’exprimer publiquement en dehors du postmodernisme, du postcolonialisme et de la théorie critique de la race, le tout en gardant en tête la sainte intersectionnalité. Amen. Israël étant considéré comme la dernière colonie, et le juif comme un blanc forcément privilégié, il est autorisé d’en appeler à le génocider. C’est ce qu’on appelle un naufrage intellectuel.
Le "deux poids, deux mesures"
Pendant ce temps-là, le néoféminisme, des Etats-Unis à l’Europe, refuse obstinément de reconnaître la réalité des viols commis par le Hamas lors du pogrom du 7 octobre. Mieux : les féministes qui désirent manifester contre le viol des juives sont sorties manu militari des rangs pour leur propre sécurité. Vous comprenez : un "résistant" du Hamas qui viole une "Israélienne colonisatrice", ce n’est pas vraiment un viol, c’est un acte de libération from the river to the sea. C’est le génocide et le viol de masse pour la paix ! Certaines néoféministes légèrement gênées par tant d’attaques venues de l’extrême droite fasciste osent un délicat : il est trop tôt pour dénoncer des viols dont nous ne savons rien. Il faut attendre l’enquête. C’est mignon.
En avril 2022, Margaux Benn remportait le prestigieux prix Albert-Londres pour ses reportages sur la guerre en Ukraine, en particulier pour celui sur les viols de masse perpétrés par les Russes. Moins de deux mois après l’invasion de l’Ukraine. C’est ce qu’on appelle le "deux poids, deux mesures". Une juive vaut moins qu’une Ukrainienne pour les néoféministes biberonnées à l’idéologie identitaire qui hiérarchisent les victimes selon une colométrie rigide.
Pendant ce temps-là, en France, entre le bar de l’hôtel Lutetia et la rue Saint-Guillaume, une banale et sordide séparation de couple, comme il s’en déroule des milliers chaque jour, s’est soldée par la mise en retrait lunaire du directeur de la moins en moins prestigieuse Science po, Mathias Vicherat, qui a fait la stupide erreur de recevoir les syndicats étudiants pour se justifier de ce qu’il n’a pas fait. Il n’y a ni plainte, ni mise en examen, ni rien de rien à reprocher à Vicherat. Mais le néoféminisme est vigilant ! La rumeur vaut dorénavant condamnation. Bienvenue dans la féodalité !"
Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Féminisme dans Femmes-hommes,
Etats-Unis : enseignement supérieur dans Etats-Unis d’Amérique,
Sciences Po Paris dans Enseignement supérieur dans Ecole,
Guerre Hamas-Israël (2023-24) dans Palestine dans Israël (note de la rédaction CLR).
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