Avec la participation du CLR

Printemps républicain : intervention de Patrick Kessel (Paris, 20 mars 16)

Président du Comité Laïcité République. 21 mars 2016

Le Printemps républicain a tenu sa réunion de lancement dimanche 20 mars à La Bellevilloise, 19-21 rue Boyer, Paris XXe. Patrick Kessel a expliqué brièvement la participation du Comité Laïcité République.

Le nombre et la diversité des signataires du Manifeste pour un Printemps républicain, le nombre des présents ce jour démontrent combien l’attente est grande d’un retour de l’idée républicaine.

L’histoire retiendra que les attentats barbares de 2015 auront marqué les journées les plus noires de notre pays depuis l’occupation nazie. Des actes qui, dans l’ordre du symbolique, demeureront comme l’équivalent de l’incendie du Reichstag. Car c’est à la République que l’obscurantisme djihadiste a déclaré la guerre. A ses principes universels, la liberté de conscience qui comporte la liberté de croire ou de ne pas croire, et l’égalité en droit entre tous les citoyens, quelles que soient leurs origines, leur couleur, leurs convictions philosophiques ou religieuses, leur sexualité. Des principes que nous, qui assumons pleinement l’héritage émancipateur des Lumières, considérons comme universels et n’accepterons jamais de négocier. En tout premier lieu, l’égalité entre hommes et femmes, aujourd’hui largement contestée.

Face au double péril de l’islamisme politique et de l’extrême droite, c’est malheureusement la confusion qui prévaut. Après l’immense et émouvant sursaut populaire au lendemain des attentats barbares de janvier 2015, on a d’abord entendu susurrer qu’il "l’avaient un peu cherché", Charb [1] et les amis de Charlie.

Puis certains intellectuels et journalistes ont expliqué qu’il conviendrait de limiter la liberté de rire des religions, en d’autres termes, de rétablir le blasphème ! Et ce fut la censure de films, de pièces de théâtre, d’expositions.

Ensuite, ils ont estimé qu’il conviendrait d’adapter la République pour tenir compte de différences culturelles et religieuses. Ils ont plaidé en faveur de dérogations, d’accommodements à la loi commune. Un think tank de gauche avait même proposé une "citoyenneté à géométrie variable" [2], renvoyant chacun au déterminisme de ses origines ! Voilà trente ans, Régis Debray nous avait prévenus : le droit à la différence débouchera sur la différence des droits. Nous y sommes. Le contraire de ce pourquoi la Révolution française a été faite !

Enfin, ce fut la violente campagne idéologique assénant que toute critique de l’islam était raciste et ses auteurs des "islamophobes" [3]. Elisabeth Badinter ou Caroline Fourest furent ignoblement attaquées. Le déchainement fut pire encore à l’encontre d’intellectuels musulmans ! Une méthode digne des procès de Moscou quand des femmes et des hommes de gauche, refusant de voir un paradis radieux dans l’enfer stalinien, étaient traités de "fascistes".

Voilà pourquoi nous soutenons de toutes nos forces Boualem Sansal [4], Rachid Boudjedra, Kamel Daoud [5] comme nous avions soutenu Salman Rushdie, Taslima Nasreen, Ayaan Hirsi Ali, Habib Kazarghi, doyen de la fac de Tunis, Nasser Kader [6], Djemila Benhabib [7] parmi tant d’autres, tous menacés de mort, et que nous soutenons Nadia Remadna [8], la courageuse présidente de la Brigade des Mères qui explique que les problèmes ne commencent pas pour elle de l’autre côté de la Méditerranée !

Pauvre laïcité ! Tout le monde en parle mais beaucoup lui accolent des épithètes pour mieux la vider de sa substance.

  • Une partie de la droite défend une "catho-laïcité" qui interdirait le voile dans les écoles mais autoriserait les crèches dans les jardins des mairies.
  • Une partie de la gauche, par dérive idéologique ou par clientélisme, se laisse séduire par le discours communautariste, en lieu et place de sa traditionnelle culture universaliste. Elle n’ose plus défendre les principes de la loi de séparation des églises et de l’Etat.

Comment s’étonner que l’abstention soit devenue le premier parti de France ?

Promouvoir la laïcité qui n’est en soi ni de gauche, ni de droite, ré-instituer l’école de la République [9] pour en faire, selon le projet de Condorcet, le creuset d’une citoyenneté de fraternité pour les enfants de toutes les couleurs, rejeter le déni, soulever la chape de plomb de la bien-pensance, ne pas abandonner le terrain à l’extrême droite qui attend son heure, constituent autant d’urgences. Une extrême droite qui a profité de l’absence des républicains pour tenter un détournement de la laïcité [10], diabolisant les musulmans, alors même que l’immense majorité d’entre eux ne demande qu’à vivre en citoyens, libres et égaux parmi les citoyens.
On a envie de crier : Pas elle qui, tout au long de son histoire, a défendu une identité de la France, blanche, catholique, apostolique et romaine, et en aucune sorte laïque !

Voilà la tâche à laquelle le Comité Laïcité République s’est attelé depuis un quart de siècle. Voilà aussi la tâche que nous nous sommes imposée, avec Françoise Laborde, sénatrice de Haute-Garonne, et Jean Glavany, député des Hautes Pyrénées, au sein de l’Observatoire de la Laïcité [11], en contestant une ligne affirmant qu’il n’y aurait pas de problèmes de laïcité en France [12]. Il y en a. Il faut les identifier, les traiter, avec raison et sagesse.

Indéniablement, les bouches s’ouvrent, les gens témoignent, les élus réfléchissent. Même si certains préfèrent la polémique à nos questions, lorsque nous allons au devant des citoyens sur le terrain, et nous le faisons régulièrement, nous sentons que les choses frémissent, qu’ils sont de plus en plus nombreux à aspirer au rassemblement et au ressourcement sur les fondamentaux républicains, que la demande est forte pour une République plus laïque, plus sociale, plus fraternelle.

A un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, ces principes républicains doivent être portés politiquement, clairement, avec détermination. C’est le sens de notre participation à ce Printemps républicain.

Paris, La Bellevilloise, le 20 mars 2016

[5Lire le communiqué du CLR Solidarité avec Kamel Daoud (3 mars 16) (note du CLR).

[7Prix de la Laïcité. Lire Prix de la Laïcité 2012 : deux femmes à l’honneur (8 oct. 12) (note du CLR).



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