Revue de presse/audio

"La laïcité, une cause commune à tous nos espaces sociaux" (France Inter, 31 mars 13)

Dans "Cause commune, tu m’intéresses" par Abdennour Bidar 2 avril 2013

Avec Alain Seksig (Haut Conseil à l’intégration), Natalia Baleato (crèche Baby-Loup).

Ecouter l’émission : "La laïcité, une cause commune à tous nos espaces sociaux".

"Si j’ai décidé de consacrer l’émission d’aujourd’hui à la question de la laïcité, c’est à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars dernier – qui concerne l’affaire de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes. [...]

Pourquoi un tel choix ? Agathe Maire, notre chroniqueuse, est allée poser la question à Natalia Baleato, la directrice de la crèche Baby Loup. Nous l’entendrons tout à l’heure. Mais il me semble évident que c’est par idéal républicain que cette crèche s’est donné une telle règle laïque... Or c’est là précisément ce qui rend très difficile à comprendre cette décision de la Cour de cassation, que je viens d’évoquer et qui au nom de la République vient donc de sanctionner ce choix pourtant républicain ! Voilà qui est particulièrement étranger, et dont on peut discuter. [...]

Nous avons là une institution de la République – sa plus haute instance judiciaire en l’occurrence, la Cour de cassation – qui au nom du droit existant interdit donc à des citoyens de donner à leur activité professionnelle des règles républicaines ! Voilà qui est pour le moins abracadabrantesque, aurait dit un certain président ! Car c’est ici la République contre elle-même… La République contre la laïcité républicaine… la République qui interdit d’être républicain…

Et à n’en pas douter, hélas, les conséquences de cette décision seront tout à fait redoutables… Pourquoi ? Et bien parce qu’on vient de refuser que cette entreprise privée participe à la responsabilité de faire vivre le principe de laïcité ; et parce qu’en refusant ainsi qu’une entreprise privée associe ses salariés à la responsabilité de neutralité laïque assumée par les salariés du public, la Cour de cassation risque tout bonnement de casser la France en deux et de fragiliser le principe de laïcité de manière extrêmement grave.

Car elle ouvre un gouffre immense entre d’un côté un secteur privé qui n’a jamais mieux porté son nom, parce que justement il se retrouve ici privé du droit de faire appliquer des règles laïques en son sein, privé du droit de demander à ses personnels de respecter la neutralité laïque, privé, c’est le cas de cette crèche Baby Loup, du droit d’exercer ce qu’on appelle une délégation de service public selon des règles républicaines… Et de l’autre côté un secteur public, un service public qui se retrouve tout seul en charge de faire respecter la laïcité… Comment faire mieux, ou pire, si l’on veut recommencer une guerre des deux France ? Comment faire mieux ou pire si l’on veut créer une fracture sociale, morale et culturelle de plus dans notre pays, en faisant passer cette nouvelle ligne de fracture en plein milieu du monde du travail ? Comment dresser encore un peu plus les fonctionnaires contre tous les autres salariés, qu’en faisant de ces fonctionnaires l’exception d’un îlot de laïcité au milieu d’un océan de libéralisme culturel dans lequel tout est permis, dans lequel chaque salarié a le droit d’afficher n’importe quelle différence individuelle, de faire valoir n’importe quelle revendication religieuse, avec cette seule limite, bien maigre, de ne pas nuire aux intérêts de l’entreprise ? Veut-on donc qu’il y ait demain, sur ce plan aussi, deux France au lieu d’une République une et indivisible ? Deux France, l’une laïque et l’autre pas… L’une qui doit – dans les écoles publiques, les hôpitaux, les administrations - assumer toute seule la responsabilité de faire vivre le principe de laïcité ? Et l’autre, la France des entreprises privées, qui se retrouve exclue de la responsabilité laïque ? Nous sommes pourtant dans une situation sociale qui devrait suffire à nous ouvrir les yeux et nous faire comprendre l’évidence que la responsabilité de faire vivre et respecter la laïcité doit être désormais partagée par tous.

Notre tâche aujourd’hui est là : trouver la manière d’associer tout le monde, tous les espaces sociaux, à cette responsabilité laïque… ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu’il faille soumettre tout le monde aux mêmes règles. Au contraire ! Comment donc adapter l’application du principe de laïcité à la particularité de chaque espace social tout en les solidarisant tous autour de ce principe ? Telle est la question désormais…"



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