Revue de presse

"École : les mères voilées pourront accompagner les sorties" (Le Figaro, 29 oct. 14)

29 octobre 2014

"Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation, estime que « l’acceptation de leur présence doit être la règle ».

Une nouvelle vision de la laïcité à l’Éducation nationale ? Alors que la question des accompagnateurs de sorties scolaires reste suspendue depuis plusieurs mois, Najat Vallaud-Belkacem envoie un signal en faveur des mères voilées. La ministre de l’Éducation s’écarte clairement de la voie tracée par l’un de ses prédécesseurs, Vincent Peillon. En décembre 2013, celui-ci réaffirmait le bien-fondé de la circulaire Chatel, qui, en 2012, posait la possibilité d’interdire de sortie les parents manifestant « leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques ».

« Le principe, c’est que, dès lors que les mamans ne sont pas soumises à la neutralité religieuse (…), l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception », a expliqué Najat Vallaud-Belkacem, auditionnée le 21 octobre dernier par l’Observatoire de la laïcité. Un renversement des règles. « Au moment où je veux absolument renouer le lien de confiance, qui s’est distendu, entre les parents et l’école (…), tout doit être mis en œuvre pour éviter les tensions », a argumenté la ministre.

Dans cette prise de position, Najat Vallaud-Belkacem s’appuie sur un rapport du Conseil d’État, remis en décembre 2013. Alors saisi par le Défenseur des droits faisant état de « zones grises », la plus haute juridiction administrative avait estimé que les accompagnateurs n’étant ni « agents » ni « collaborateurs » du service public, ils n’étaient pas soumis aux « exigences de neutralité religieuse ». Tout en laissant possibles certaines restrictions liées au trouble à l’ordre public. Un avis ambigu, laissant au fond la laïcité au milieu du gué.

Après les déclarations de la ministre de l’Éducation, les parties concernées par l’affaire réclament plus que jamais des éclaircissements. Du côté des mères voilées d’abord, ces déclarations ont fait naître « un espoir ». « Elle doit maintenant aller jusqu’au bout », explique le collectif Mamans toutes égales (MTE), basé à Montreuil, qui exige l’abrogation de la circulaire Chatel, jugée « illégale et stigmatisante ».

Du côté des « responsables de terrain », on apprécie moyennement le « cadeau » de la ministre. Car c’est à eux, en effet, que revient la tâche de trouver un « équilibre » dans les cas délicats. « Il peut y avoir des situations particulières, liées par exemple au prosélytisme religieux, qui peuvent conduire les responsables locaux à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leur croyance religieuse », a précisé Najat Vallaud-Belkacem devant l’Observatoire de la laïcité.

Une position qui fait bondir enseignants et personnels de direction. À eux donc, de juger du caractère ostentatoire d’une tenue. Est-ce le cas pour un discret voile fleuri ? Sans principe clair, les appréciations peuvent varier selon les individus, les établissements, la réalité du terrain. « La laïcité est une valeur, un principe, pas une chose que l’on adapte en fonction de la réalité, assène Jean-Louis Auduc, ancien directeur d’IUFM qui suit de près ces questions. L’expérience montre que l’on a besoin de clarté. »

Beaucoup, en effet, font le parallèle avec les affaires de voiles dans les collèges et lycées en 1989. À l’époque, le Conseil d’État, saisi par Lionel Jospin, ministre de l’Éducation, avait estimé que le port de signes religieux à l’école n’était pas « incompatible avec la laïcité », à condition qu’il ne soit pas « ostentatoire et revendicatif ». Et laissait au terrain le choix d’arbitrer.

Le débat s’était finalement soldé par l’adoption de la loi de 2004, interdisant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires. « À vingt-cinq ans d’intervalle, Najat Vallaud-Bel-kacem choisit la même attitude et commet la même erreur que Lionel Jospin, estime Albert-Jean Mougin, vice-président du syndicat national des lycées et collèges (Snalc). Ce ne sera pas tenable. L’État ne peut demander à ses agents d’incarner à eux seuls et selon les circonstances le principe, devenu variable de la laïcité. »

Faut-il donc préciser le statut des accompagnateurs ? « À partir du moment où les parents encadrent une sortie scolaire, ils s’apparentent à des agents du service public. Ils incarnent des valeurs et se doivent de respecter la laïcité », estime Catherine Petitot, secrétaire générale adjointe du syndicat des personnels de direction (Unsa), qui demande des « clarifications juridiques ».

Faut-il légiférer ? La question est loin de faire l’unanimité à gauche, entre les tenants d’une approche libérale et les partisans de la stricte neutralité. Najat Vallaud-Belkacem peut-elle se risquer à abroger la cicutaire Chatel ? À droite, le député Éric Ciotti a initié une proposition de loi visant à « inclure les sorties scolaires dans la loi de 2004 », enregistrée le 22 octobre à l’Assemblée. Le groupe UMP pourra décider de l’inscrire à l’ordre du jour."

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