7 octobre 2017
"Le grand maître du Grand Orient de France (GODF), principale obédience française de francs-maçons, veut « repartir à l’offensive » pour défendre la laïcité. Vendredi 6 octobre, dans le « Figaro Magazine », Manuel Valls appelle à réagir contre « l’islamisme ».
Le tout nouveau président du Grand Orient de France (GODF), Philippe Foussier, élu pour un an fin août, a tenu jeudi 5 octobre des propos qui semblent participer à un réveil des courants laïques. Devant la presse, il a plaidé la « nécessité d’un réarmement républicain » et appelé à « repartir à l’offensive » pour défendre la laïcité. Les francs-maçons ne sont « pas là pour participer à un dialogue interconvictionnel » mais « pour faire vivre la laïcité », qui n’est pas « la coexistence des religions », a-t-il fait valoir.
Une ligne dure
Ces propos, d’une particulière fermeté, appellent trois remarques. La première concerne les équilibres internes à la principale obédience des francs-maçons (environ 52 000 membres) en France. Celle-ci est traversée par des clivages sur l’attitude à adopter à l’égard de l’expression religieuse, et en particulier à l’égard de l’islam. Sur ce point, Philippe Foussier incarne une ligne dure. Il est vice-président du Comité laïcité république présidé par Patrick Kessel (lui-même ancien président du GODF) qui s’active depuis le milieu des années 1990 à la pointe du combat laïque (contre le port du voile notamment).
L’approche libérale d’Emmanuel Macron contestée
La deuxième est liée au contexte politique. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les milieux laïques s’inquiètent d’une conception trop libérale et pas assez républicaine des relations avec les cultes. Le 22 septembre, intervenant devant la fédération protestante de France, le président a tenu à apaiser les esprits sur les questions d’éthique. « La manière que j’aurai d’aborder ces débats ne sera en rien de dire que la politique a une prééminence sur vous et qu’une loi pourrait trancher ou fermer un débat qui n’est pas mûr… »
Ce gage de bienveillance n’est pas du tout apprécié de certains. « C’est naturellement le contraire de toute la tradition de la République laïque française » a immédiatement réagi Jean-Michel Quillardet, président de l’observatoire international de la laïcité (sans rapport avec l’observatoire présidé par Jean-Louis Bianco) et ancien grand maître du GODF. L’intention du ministre de l’intérieur Gérard Collomb de mettre en place une instance de « dialogue et de concorde » avec les cultes, à l’instar de ce qu’il a réalisé dans sa ville de Lyon, a également fait grincer des dents.
La mobilisation des réseaux laïques
La troisième remarque concerne la présence de l’islam en France qui cimente des milieux très divers, bien au-delà des seuls réseaux francs-maçons. Des mouvements comme Le printemps républicain rassemblent des intellectuels et des politiques venus de la gauche – notamment des radicaux ou des proches de Manuel Valls – comme de la droite, des féministes, des personnalités catholiques ou juives, des musulmans en rupture de ban très actifs sur les réseaux sociaux et relayés par des médias comme Marianne, Causeur ou Valeurs Actuelles. Ce qui les rassemble : la critique d’un multiculturalisme qu’ils jugent naïf et l’aveuglement sur l’emprise de l’islam politique.
Ainsi, le Figaro Magazine du vendredi 6 octobre consacre un dossier à « l’islamosphère », dénonçant ses relais « intellectuels, associatifs, politiques », dont l’Observatoire de la laïcité, et « médiatiques ». Interviewé, Manuel Valls assure : « Nous sommes aujourd’hui dans une situation grave où, lorsqu’on défend les lois et les valeurs de la République, on se trouve traité de laïcard ou d’islamophobe. »
La mobilisation de ces réseaux laïques a poussé l’université Lyon 2 à annuler un colloque sur l’islamophobie prévu samedi et dimanche 7 et 8 octobre auquel devaient participer, sans beaucoup de contradicteurs il est vrai, les responsables d’associations musulmanes très identitaires.
Plus signifiante encore de cette offensive laïque est l’organisation le week-end prochain au Havre des universités d’automnes de la ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Cette association (fondée au début du XXe siècle) s’est choisi un thème de combat bien inhabituel : « Quand la religion infiltre la société. » Lors de ces journées de travail, interviendront nombre d’acteurs de l’offensive laïque, mais aucun représentant des cultes ou personnalités spirituelles."
Lire "Contre les religions, les courants laïques se réveillent".
Lire aussi "Le grand maître du Grand Orient veut "repartir à l’offensive" sur la laïcité" (AFP, 5 oct. 17), E. Macron : le politique n’aura pas "une prééminence" sur les religieux (AFP, lemonde.fr , 22 sep. 17), "Collomb veut réunir autour de lui une instance de dialogue entre les religions" (AFP, 6 sep. 17), Colloque annulé à Lyon 2 : l’islamisme et ceux qui le légitiment (G. Chevrier), Le colloque laïcophobe de Lyon 2 annulé, Islamisme à Lyon 2 : "Que vient faire Jean-Louis Bianco dans cette galère ?" (C. Arambourou, Ufal, 2 oct. 17), Un colloque « laïcophobe » à l’Université Lumière Lyon 2 (Licra, CLR, 1er oct. 17), Laïcophobie : la dérive de certains universitaires (CLR, 30 sep. 17), C. Pina : "Jean-Louis Bianco et le drôle de colloque sur « l’islamophobie d’État »" (lefigaro.fr/vox , 28 sep. 17) (note du CLR).
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