Zineb El Rhazoui, journaliste franco-marocaine, présidente du jury du Prix de la Laïcité 2015, auteur de "Détruire le fascisme islamique" (Ring). 11 novembre 2016
"Après 13, au printemps dernier, où vous avez raconté l’enfer du 13 novembre, avec 13 témoins au cœur des attaques (éditions Ring), vous publiez un livre qui décrypte l’idéologie des bourreaux. Mais aussi celle de leurs soutiens objectifs, les fameux « idiots utiles ». Pourquoi l’islamisme est un fascisme ?
Parce que comme dans le fascisme, l’islamisme, c’est-à-dire l’instrumentalisation politique de l’islam, ne voit jamais le musulman comme un individu avec son libre arbitre. Cette idéologie veut nous faire croire qu’il y a une communauté homogène musulmane, que l’islam, c’est l’islam intégriste alors qu’il y a des libres penseurs dans l’islam. Violent, ultra-conservateur, L’islamisme promeut l’infériorité voire la haine des femmes, des non musulmans, des intellectuels, des arts, tout en faisant croire aux musulmans qu’ils sont persécutés, méprisés, humiliés, blessés, et qu’ils doivent donc se redresser.
Sans oublier les homosexuels…
Oui l’extrême droite musulmane défile bras dessus bras dessous avec l’extrême droite traditionnelle contre le mariage pour tous. Et comme dans tout fascisme, la critique de l’idéologie islamiste est interdite par intimidation. Ainsi, toute personne qui la dénonce est accusée de porter atteinte à l’ensemble des musulmans et d’être « islamophobe », à ses risques et périls.
Dans votre livre, vous dénoncez les complices des fascistes islamistes, notamment une partie de l’extrême gauche et des féministes.
Oui, certaines féministes ont capitulé depuis longtemps dans cette guerre. Ainsi, pour ne pas se faire traiter d’islamophobes, elles acceptent la tutelle masculine sur les musulmanes notamment sous la forme du voile. Or ce voile sous toutes ses formes est loin d’être une banale étoffe synonyme de liberté d’expression, de droit de s’habiller comme on veut, de symbole de pudeur, ou de spiritualité. C’est bel et bien un instrument militant sexiste, pour faire avancer le fascisme islamique en domestiquant les femmes. Contraindre une femme à porter un vêtement qu’elle n’a pas choisi est une violence mais plutôt que d’en sanctionner l’auteur, ces féministes proposent de s’en accommoder. Cela revient à se taire face à une femme qui a l’œil au beurre noir par crainte qu’elle se replie sur elle même et renonce à toute vie sociale.
Le voile n’est pas toujours subi. Beaucoup le revendiquent.
Accepter le voile et ses déclinaisons les plus rigoristes au nom de la liberté de s’habiller comme on veut, c’est la négation même du féminisme. Comment peut-on accepter une tenue, édictée par « le ciel », et obligatoire dans plusieurs pays, sinon les contrevenantes sont châtiées corporellement sur la place publique. Qu’est-ce qu’elles diraient, ces féministes pro-voiles, à ces Saoudiennes que les agents de la Moutawa, le « Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice » chicotent dans la rue ou les centres commerciaux, avec des badines, comme du bétail qui ne marche pas droit, pour une mèche de cheveux qui dépasse ? Que leur niqab, c’est juste un bout de tissu porté au nom de la liberté de s’habiller comme on veut ?
Cet argument qu’interdire le voile, c’est exclure celles qui le portent, a ressurgi cet été avec le débat sur le burkini…
Les medias occidentaux, dans une insupportable complaisance, ont défendu le burkini comme une « liberté » et une expression culturelle légitime. J’ai 35 ans, et je n’ai jamais vu de burkini au Maroc pendant toute ma jeunesse. Mais ils apparaissent, maintenant que des islamistes ont donné des coups de couteaux à des femmes en bikini. Il y a eu des pages entières de « slut shaming » sur facebook ou des islamistes balançaient des photos de femmes en maillot de bain pour dire : « Regardez ces mécréantes, ces salopes ». Les plages marocaines ne sont pas en train de se remplir de burkinis, elles sont en train de se vider de femmes. Les féministes que le burkini ne dérange pas ne méritent pas de porter le noble combat féministe. Car elles sont complices de ceux qui veulent faire disparaître le corps des femmes.
Vous dites même que collaborer avec les islamistes, au nom du respect des différences religieuses, c’est du racisme.
Oui parce qu’aujourd’hui, quelqu’un qui monterait sur un banc pour dire « les arabes dehors ! » serait puni par la loi, et tout le monde le montrerait du doigt. Mais accepter que des gens fassent ouvertement la promotion de la soumission des femmes par le vêtement sous prétexte que c’est « leur culture », ça c’est raciste. C’est comme un éditeur qui prendrait des précautions oratoires avec un écrivain africain dont le manuscrit est mauvais. Alors qu’il n’en prendrait pas avec un autre. Pourquoi ? Parce qu’il est trop bête pour comprendre ? Il y a de bons et de mauvais écrivains partout. Cette « tolérance » pour l’islamisme est d’un paternalisme culturel insupportable. Une condescendance qui pour moi est la forme la forme du racisme la plus pernicieuse qui soit. Une partie de l’antiracisme d’aujourd’hui est du racisme inversé.
De carnage en tuerie, on voit, des Français nullement d’extrême droite, issus de la société civile, qui dénoncent comme vous ce fascisme islamiste. Et notamment cette tentative des islamistes d’embrigader tous les musulmans dans l’islam rigoristes, salafiste … Vous ne vous sentez pas un peu moins seule ?
La base bouge, bien sûr. On sent une énorme crispation, une peur latente de nouveaux attentats. Dans la rue au restaurant, dans les cafés, les gens avec qui je parle sont préoccupés, anxieux. Et forcément, ils s’organisent. Après les attentats de janvier 2015, on pensait qu’on avait touché le fond, et bien non.
Après il y a eu le 13 novembre. Une nouvelle version d’Oradour-sur-Glane. Un carnage. Il y a eu Nice, avec des gamins écrasés. Les gens se rendent bien compte qu’il y a un décalage entre ce que leur bon sens leur dicte, - qu’on a bien affaire à des fascistes- , et l’immobilisme des politiques , qui sont encore dans la logique des compromissions, des soumissions face aux islamistes de France, pour des petits calculs électoraux.
Les gens sentent bien que le « pas d’amalgame », ce mantra qu’on leur serine après chaque attentat est l’une des techniques pour les faire taire face à l’islamisme. Personne ne m’a jamais amalgamée avec le terrorisme sous prétexte que je suis maghrébine issue de la culture musulmane ! Pendant ce temps là, la société bouge, elle. Et heureusement que ce pays a encore assez de ressources pour produire des gens comme Céline Pina [1], et tous ceux qui s’organisent en ce moment, parce que les tensions que nous vivons renforcent malheureusement aussi l’extrême droite."
Lire "13 novembre « Certaines féministes ont capitulé face au fascisme islamiste »".
[1] Ex élue régionale PS. Elle a notamment dénoncé le salon intégriste de la femme musulmane de Pontoise. Elle a publié Silence coupable aux éditions Kero.
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales