Zineb El Rhazoui, journaliste. 26 mars 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] De façon inédite, des citoyens français se sont retournés contre leurs compatriotes parce que des musulmans ont été tués à l’autre bout du monde. Jamais de telles accusations ad hominem n’avaient été observées en France. Ce ne fut pas le cas lorsque des attentats terroristes avaient été commis par le même type d’assassin - un supré-maciste blanc, à Utoya et à Oslo, en Norvège -, ni lorsque des attentats avaient ciblé le même type de victimes - des musulmans qui prient dans une mosquée, en Egypte, en Syrie, en Irak, en Arabie saoudite, au Pakistan ou en Afghanistan. Serait-ce alors parce que, dans le premier cas, les victimes n’étaient pas musulmanes et que, dans le second, les coupables l’étaient ?
Dans les heures qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, comme après ceux de Charlie Hebdo ou de Nice, alors que les morts n’avaient pas encore été inhumés, des voix s’élevaient pour crier au « pas d’amalgame » et pour sommer l’opinion de n’y voir que des actes isolés ou encore le fruit d’organisations terroristes n’ayant aucune généalogie idéologique avec l’islam, voire créées de toutes pièces par l’Occident. Dédouaner l’islamisme, y compris ses officines ayant pignon sur rue en France, passait alors avant le recueillement de ceux qui venaient d’être atteints dans leur chair. Après les attentats de Christchurch, les identitaires musulmans n’ont pas raté l’occasion de prouver à nouveau qu’ils font si peu de cas de la douleur des victimes.
Du Conseil contre l’islamophobie en France (CCIF) au Parti des indigènes de la République (PIR), en passant par des organisations comme LES musulmans et l’association qui prône le « féminisme islamique » Lallab, un seul mot d’ordre : crier à « l’attentat islamophobe ». L’agenda islamiste n’attendant pas, un attentat antimusulman dans un pays occidental est avant tout une occasion de promouvoir cette imposture intellectuelle nommée « islamophobie », un terme qui recouvrirait à la fois un crime commis contre des musulmans et toute critique formulée à l’égard de la religion islamique. Pourtant, les attentats islamistes commis dans des mosquées pourraient difficilement être présentés par ces mêmes identitaires musulmans français comme des attentats « islamophobes ».
Si prompts à reprocher à la France son « ethnocentrisme », ils n’hésitent pourtant pas à attribuer à la France la responsabilité directe des attentats de Christchurch, faisant dire au manifeste du terroriste australien exactement l’inverse de ce qu’il dit. Ils s’acharnent à faire passer la France pour l’épicentre mondial de la pensée d’extrême droite qui a inspiré l’auteur de l’attentat, l’exposant ainsi à la menace terroriste, alors que le pays en est en réalité la contre-inspiration. Cette nation si ouverte à l’immigration, si bigarrée au goût du suprémaciste blanc, et qui a élu Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, est exactement ce qu’il a voulu tuer en tirant sur les victimes innocentes de la mosquée Al-Noor.
Les messages des cellules résiduelles de l’Etat islamique qui ont crié vengeance dès le soir de l’attaque n’ont pas suffi à ramener les montreurs de cibles à plus de mesure. Un clip djihadiste en langue française réclamant du sang occidental et des appels à mobilisation des « loups solitaires » de Daech circulaient sur les réseaux sociaux en même temps que les tweets de Najat Vallaud-Belkacem ou de Hapsatou Sy désignant des magazines français comme « responsables » de l’attentat. Ont-elles oublié que c’est de cette même calomnie que les journalistes de Charlie Hebdo ont péri ? D’autres se sont montrés plus précis et ont versé dans la pure délation, en accusant nommément une liste de personnalités françaises, amalgamant laïques républicains et identitaires d’extrême droite du même coup. Peu importent aux yeux des islamistes les motivations des critiques qui visent leur idéologie, l’essentiel étant de les faire taire. Leur but ne serait donc pas d’éviter les morts, mais de les sélectionner. Si mon nom figure dans cette liste d’« ennemis de l’islam » - une authentique fatwa à la française -, je ne relaye pas ceux des autres coupables désignés, car il serait ignoble de perpétuer l’œuvre des délateurs. [...]"
Lire "Réactions en France après Christchurch : "Ils n’ont rien retenu de janvier 2015"".
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