Remise des Prix de la Laïcité le 10 novembre 2021

VIDEO Marlène Schiappa : Laurent Bouvet, "vous appelez à se méfier de deux écueils : le nationalisme intégral, l’indigénisme décolonial" (Prix de la Laïcité, 10 nov. 21)

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté. 16 novembre 2021

Remise du Prix spécial de la Laïcité à Laurent Bouvet, politologue, professeur des universités. .

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Monsieur le Premier ministre,
Madame la Ministre, chère Sarah,
Madame la Maire de Paris,
Mesdames, Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Comité Laïcité République,
Mesdames, Messieurs,
Cher Laurent BOUVET,

Je suis très heureuse de remettre ce soir le prix spécial du Comité Laïcité République 2020, à un intellectuel, à un universitaire, à un homme engagé, à Laurent BOUVET.
Ce combat, que mène le Comité Laïcité République depuis 1991, c’est un combat en faveur d’une laïcité qui ne saurait s’accommoder de qualificatif – la laïcité, point – qui seule garantit la liberté de conscience et permet à chacun d’être citoyen.
C’est pour récompenser les personnalités qui, comme vous, cher Laurent, contribuent activement à la défense et à la promotion de ce principe universel que, depuis 2003, le Comité organise ce Prix de la Laïcité.
Des femmes et des hommes remarquables se sont ainsi vu remettre cette récompense prestigieuse : je pense à Caroline FOUREST, Jeannette BOUGRAB, Henri PENA-RUIZ ou encore Boualem SANSAL.
En vous distinguant cette année, c’est tout à la fois le citoyen, l’universitaire et le militant, qui tous trois ont la politique chevillée au corps, que le Comité Laïcité République a voulu récompenser.

Au fond, tout votre travail cherche à répondre à une question fondamentale : comment faire société ? Comment « de cent peuples errants aux visages divers » faire un même peuple ? Comment transcender les identités communautaires pour former une nation ?
C’est déjà l’objet de la thèse de doctorat que vous soutenez en 1998 consacrée à la nouvelle question identitaire américaine.
C’est sans doute cette profonde connaissance du modèle américain et de ses dérives qui vous a amené à combattre pour l’universalisme républicain et notre laïcité qui en est la clé de voûte.
Ce combat est d’autant plus nécessaire dans « l’âge identitaire » dans lequel nous sommes entrés et qui cherche à prendre nos valeurs républicaines en « tenaille ». Avec la sagesse de la nuance, vous appelez chacun à se méfier en même temps de ces deux écueils – le nationalisme intégral d’une part, l’indigénisme décolonial de l’autre ; le racisme d’un côté, le racialisme de l’autre.

Vous avez eu le courage d’éclairer le débat public, parfois à rebrousse-poil de votre famille politique. Ainsi, le concept d’« insécurité culturelle », indispensable à la compréhension du vote d’une partie des classes populaires pour l’extrême droite, vous vaut une première levée de bouclier. Pourtant, quoi de pire que de ne pas vouloir nommer ni même voir le mal que l’on veut combattre ?

En Corse, on dit que seuls les arbres sans fruits ne reçoivent pas de jets de pierres. Ils sont nombreux à avoir tenté de vous jeter des pierres en raison de votre engagement.
Cet engagement sans faille en faveur de la République et de ses idéaux vous a valu de solides inimitiés parmi ses ennemis : vous avez ainsi été pris à partie lors de la manifestation du 10 novembre 2019, où les islamistes et leurs alliés – toute honte bue – ont arboré des étoiles jaunes, considérant dans un amalgame effrayant que la République laïque, indivisible, démocratique et sociale et le régime de Vichy, c’est du pareil au même.

Pourtant, garantissant à la fois la neutralité de la puissance publique, les libertés de conscience et de culte, ainsi que l’égalité de toutes les religions face à la loi, la laïcité réconcilie celui qui croit, celui qui ne croit pas et celui qui doute. Elle est le plus puissant ciment de la cohésion nationale, dans notre pays qu’ont déchiré tant de guerres de religions. Elle est le meilleur antidote aux dérives séparatistes qui gangrènent çà et là notre pays.

Attachée comme vous, cher Laurent, à ce principe, j’ai voulu qu’il soit conforté et c’est le sens de la loi que nous avons fait voter et promulgué l’été dernier.
Pour mieux porter cette ambition d’une laïcité réaffirmée, nous avons créé un Comité interministériel de la laïcité présidé par le Premier ministre, dont le secrétariat général est assuré par le ministère de l’Intérieur.
Enfin, nous avons gravé dans le marbre législatif que le 9 décembre, date anniversaire de la loi de 1905, sera désormais journée de la laïcité : à cette occasion, avec Rachel KHAN qui a accepté d’en être la marraine, nous remettrons un autre prix de la laïcité, le prix de la laïcité de la République française, que nous avons doté d’une somme de 50 000€ pour accompagner la mise en œuvre des projets récompensés.
Si j’évoque ces mesures et ces actions, c’est qu’elles vous doivent beaucoup.

Je voudrais vous raconter la première fois que j’ai dîné avec Laurent BOUVET.
Je connaissais la personnalité, l’homme public, mais l’image publique que l’on renvoie, c’est l’ombre portée de la caverne de Platon. Et l’image publique de Laurent BOUVET, je ne l’ai pas rencontrée ce soir-là.
Nous étions dans la salle de réception de mon précédent ministère. Je n’étais pas alors une ministre installée depuis presque cinq ans mais une jeune novice débutante sous le feu des critiques et qui avait besoin d’aide.
En toute simplicité, par l’entremise de nos amis de la Fondation Jean JAURES, vous avez accepté de venir et, autour d’un bon plat et d’un verre de vin, avec beaucoup d’humilité non feinte et d’intelligence, vous m’avez conseillé sur la manière dont je pourrais partager plus clairement mes opinions sur la laïcité et la République.
Il y a eu, les années qui ont suivi, d’autres dîner, d’autres verres de vin souvent avec Astrid, parfois en présence de Netflix – je parle du chien, pas de la plateforme – et quelques apéros en Corse.
Au-delà des convictions communes, c’est un honneur pour moi de pouvoir me dire l’amie d’Astrid et de Laurent.

J’ai parlé de Laurent BOUVET l’intellectuel, le personnage public. Je veux évoquer Laurent le mari amoureux de sa femme, le papa aimant et fier de ses filles, l’ami indéfectible, mais j’y reviendrai.

Nous avons en commun, cher Laurent, cette défense du principe de laïcité contre tous les séparatismes qui menacent notre République indivisible.
Vous vous y engagez avec ces qualités exceptionnelles que nous vous connaissons.
Le courage. Le courage de vous affronter au conformisme intellectuel. De porter le fer dans votre propre famille politique quand il vous semble qu’elle n’est plus fidèle à ses idéaux.
Le courage, mais aussi l’humour. Un humour permanent, souvent dévastateur, toujours sans concession.

J’arrive à la fin de ce discours et vos amis se disent : « comment parler de Laurent sans parler de son amour des contrepèteries ? »
Une journée qui commence bien commence avec vos contrepèteries sur Facebook. Vos amis en font parfois les frais, mais comme disait KUNDERA, que vous semblez suivre à la lettre :
« Quand il n’est plus possible de renverser le cours du monde, la seule résistance est de ne pas le prendre au sérieux ».
Mais ne cherchez pas ici de contrepèterie.

Courage, humour, mais aussi fidélité en amitié. Une fidélité à toutes épreuves qui vous permet de compter, dans la tourmente et les drames, sur des fraternités inébranlables.
Je l’ai dit : vos amis vous respectent, vous aiment, jouent un rôle important pour vous. Vous savez pouvoir compter sur eux.

Je n’ai pas la classe naturelle ni la dignité d’Astrid PANOSYAN pour évoquer l’épreuve que vous traversez mais, à ce sujet, je tiens à parler de votre courage, de votre énergie vitale incroyable, de votre humour en toute circonstance, dont vos filles ont hérité de leur papa. Et je veux dire à Emma et Charlotte qu’elles ont un père qui, par son intelligence, son immense courage et son amour des échanges, aura fait bouger les lignes du débat intellectuel en France sur de nombreuses questions.

Voilà. Je me réjouis que le Comité Laïcité République fasse le choix heureux de vous distinguer ce soir. Un choix logique, qui récompense un des intellectuels qui font le plus avancer le débat dans notre pays et qui défend avec le plus de force les principes que nous avons au centre de notre contrat social.

Je vous remercie.


Voir aussi la rubrique Prix de la Laïcité 2020-2021 dans Prix de la Laïcité (note du CLR).


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