27 mai 2016
"La campagne d’Evelyne Gougenheim, administratrice du consistoire de Paris, provoque des crispations parmi les autorités du judaïsme
Pour la première fois, une femme sera candidate à la présidence du Consistoire central, l’instance créée par Napoléon pour administrer la dimension cultuelle du judaïsme en France. Son président sortant, Joël Mergui, 58 ans, sollicitera un troisième mandat d’affilée de quatre ans, le 19 juin. Il sera concurrencé par Evelyne Gougenheim, administratrice du Consistoire de Paris depuis sept ans.
" Il y a des femmes administratrices dans les consistoires régionaux, quelques femmes présidentes de communautés, rien ne s’oppose à ce qu’une femme préside le Consistoire central ", fait valoir cette gérante de galerie de 60 ans. Les consistoires gèrent les affaires religieuses (casherout, mariages, divorces, conversions…) et fédèrent quelque quatre cents synagogues, sachant qu’un nombre substantiel de communautés ne leur sont pas rattachées, qu’elles relèvent ou non d’un autre courant du judaïsme (loubavitch, libéral, ultra-orthodoxe, massorti…).
Cette " première " semble avoir provoqué quelques crispations parmi le collège électoral, composé de quelque 350 personnes (dirigeants de consistoires, de communautés, rabbins…), qui sera appelé à se prononcer. La candidature de Mme Gougenheim, révélée par l’AFP, a été validée fin avril par la commission électorale. Mais, selon elle, sa capacité à se présenter, en tant que femme, a été questionnée devant le conseil du Consistoire un peu plus tard. L’un de ses membres a d’ailleurs pris la plume pour dénoncer " un danger majeur " pour la communauté juive. Sans grand écho apparemment. Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a affirmé, sur la chaîne i24 News, que les statuts du Consistoire " autorisent " la candidature d’une femme.
" La candidature d’une femme à un poste exécutif si élevé est une innovation forte, alors qu’on trouve déjà des femmes à des postes de responsabilité dans des communautés locales ou parmi les administrateurs, analyse la sociologue Martine -Cohen, du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL). L’enjeu aujourd’hui, c’est donc la capacité du Consistoire central et d’une partie du rabbinat consistorial à accepter une telle évolution. Il y a des blocages psychologiques de la part d’un camp conservateur, ce qui ne correspond probablement pas à la majorité des fidèles consistoriaux. "
Mme Gougenheim, élue à l’origine parmi les proches de Joël Mergui, dit avoir décidé de se lancer dans cette campagne devant l’absence d’autres concurrents au président sortant. Dans l’entourage de ce dernier, on souligne qu’aucun président de consistoire régional ou de communauté n’a jugé utile de se présenter pour contester sa gestion. La candidate parisienne, elle, demande davantage de " transparence " dans la gestion de l’institution et davantage de " démocratie " et de fonctionnement collectif.
A titre d’exemple, elle affirme avoir eu du mal à se faire communiquer les coordonnées des électeurs qui se prononceront dans un mois. " Et encore, on ne me les a données que sous un format papier peu maniable. Il n’y a pas eu moyen d’obtenir de fichier numérique, alors que le candidat sortant a déjà toutes ces données ", proteste-t-elle.
La candidate reconnaît que, dans ces conditions, sa candidature pourrait avoir du mal à percer, d’autant que la publicité dans la presse communautaire a été interdite pendant la campagne.
Un autre élément pourrait avoir favorisé cette candidature alternative. A l’automne 2015, Joël Mergui avait tenté de fusionner le Consistoire parisien, le plus important de France, et le Consistoire central. Mais ce projet s’était finalement heurté à l’hostilité de certains piliers de la communauté parisienne et avait été rejeté par son assemblée générale."
Lire "Une femme candidate à la tête du Consistoire central".
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