Revue de presse

"Un fossé idéologique est en train de se creuser entre hommes et femmes" (G. Bronner, L’Express, 22 fév. 24)

(G. Bronner, L’Express, 22 fév. 24). Gérald Bronner, sociologue, universitaire, président du jury des Prix de la Laïcité 2020-2021. 26 février 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Un fossé idéologique est en train de se creuser entre hommes et femmes, par Gérald Bronner".

"[...] Jamais les hommes et les femmes n’avaient connu de tels désaccords. Ainsi, aux Etats-Unis, selon l’Institut Gallup, les garçons âgés de 18 à 30 ans sont beaucoup plus conservateurs que les filles (+ 30 %) alors qu’au début des années 2000 on peinait à les distinguer bien les uns des autres.

Cette guerre intersexe des opinions se fait sentir partout : on observe le même écart en Allemagne ou au Royaume-Uni. Il s’agit de préférences concernant des sujets aussi divers que l’avortement, l’immigration ou le mouvement #MeToo… mais pas seulement. Cette différence se traduit aussi en terme électoral. Ainsi, un jeune homme polonais (de 18 à 21 ans) sur deux a-t-il soutenu, par son vote, la droite dure lors de la dernière élection quand seules 16 % des femmes du même âge l’ont fait. On observe des phénomènes similaires aussi bien en Chine qu’en Tunisie.

Auparavant, ce type de clivages était plutôt générationnel : on avait des désaccords entre les jeunes et les aînés mais, le vieillissement étant une maladie universelle, les choses finissaient par s’arranger. Ici, les tensions surgissent au sein d’une même génération et ces jeunes sont donc contraints de coexister les uns avec les autres dans leur vie quotidienne tout en nourrissant une vision du monde radicalement différente. Comment s’aimer dans ces conditions ? C’est sans doute une conjecture trop rapide mais tout cela n’est peut-être pas sans lien avec les résultats d’une récente enquête de l’Ifop qui révèle que les Français font de moins en moins l’amour et, en particulier, les 18-24 ans. De la même façon, les enquêtes montrent une augmentation du célibat un peu partout dans le monde.

Il est périlleux d’établir un lien clair entre le clivage idéologique qui est en train de se creuser entre les sexes et la misère affective qui l’accompagne, cependant, l’exemple de la Corée du Sud devrait nous inviter à la réflexion. Dans ce pays, on observe la même fracture politique entre les jeunes femmes et les jeunes hommes qui, lors de l’élection de 2022, ont soutenu le parti très à droite, Le pouvoir du peuple. Il se trouve que cette guerre des genres y prend une tournure plus radicale que partout ailleurs et l’on craint que ce qui s’y passe ne préfigure ce qui nous attend. Là-bas, le taux de mariage est en chute libre et la natalité - 0,78 naissance par femme en 2022 - est tout simplement la plus basse du monde. On peut donc se demander si l’amour est bel et bien en danger, selon la question que pose Noémie Halioua dans son dernier livre La Terreur jusque sous nos draps. Ou, à l’inverse, si les sentiments ne finiront pas par réconcilier ceux que les idées ont séparés…"


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