11 mars 2015
"« Es-tu athée ? » demande un policier lors de l’interrogatoire. Karim Ashraf al-Banna, un étudiant en ingénierie de 23 ans originaire de la province de Baheira, avoue : « Oui, je suis athée. » En novembre, Karim a été arrêté, détenu cinquante-cinq jours, puis libéré sous caution, avant d’être condamné début janvier à trois ans de prison pour « insulte aux religions ».
Son crime : afficher publiquement son athéisme sur les réseaux sociaux. Si la Constitution protège dans l’absolu la liberté de conscience, elle interdit toute insulte à l’égard des trois religions monothéistes : l’islam, le christianisme et le judaïsme.
Comme dans la majorité des cas, Al-Banna a été dénoncé par des voisins. Il discutait avec un groupe d’amis en bas de chez lui quand des habitants se sont approchés pour les rouer de coups et confisquer leur pièce d’identité. « La photo de Karim avait été publiée dans le journal Bawaba [quotidien sensationnaliste proche des renseignements, ndlr] qui le présentait comme l’une des 25 personnalités qui diffusent la pensée athéiste en Egypte », précise son avocat, Ahmed Abdel Nabi.
Le père de Karim al-Banna - ce qui n’est pas rare - a également témoigné contre lui : « Mon fils ne prie pas, il fume la cigarette. Je lui conseillais de prier, mais il me rétorquait : "Comment veux-tu que je fasse des mouvements auxquels je ne crois pas ?" » La cour d’appel a confirmé lundi la peine de trois ans de prison. Condamné par contumace, Al-Banna cherche à quitter l’Egypte. « Il ne se sent plus en sécurité », dit son avocat.
Le fait nouveau ne réside pas dans le rejet de l’athéisme, propre à toute société conservatrice (sic) [1], mais dans la collaboration active d’Egyptiens avec les autorités. « Les athées ne sont pas les seuls à souffrir de ce contexte, soutient Ahmed Abdel Nabi. Les jeunes révolutionnaires, les opposants politiques, les homosexuels et tous ceux qui pensent différemment se sentent menacés. Le journaliste égyptien Belal Fadl écrivait il y a quelques mois un article intitulé "La nation des délateurs fait son retour". »
La société suit une politique volontariste de l’actuel gouvernement dans ce domaine. « Un programme de lutte contre l’athéisme a été lancé dans plusieurs universités du pays », assure Ahmed al-Bahei, cheikh de la mosquée Sidi Gaber à Alexandrie. Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, y joue un rôle central. « Le pouvoir cherche également à prouver qu’il est plus respectueux de l’islam que les Frères musulmans eux-mêmes, analyse Amr Ezzat, spécialiste des religions à l’ONG l’Initiative égyptienne pour les droits personnels. C’est une façon de répondre à la campagne médiatique des Frères musulmans stipulant que [le président] Al-Sissi est contre l’islam. »"
[1] Note du CLR.
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales