Culture / Cinéma

Un divan à Tunis : tout n’a pas changé avec les Printemps arabes (G. Durand)

par Gérard Durand. 12 mars 2020

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Un divan à Tunis, de Manele Labidi (1 h 28), avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Aïcha Ben Miled. Sorti le 12 fév. 20.

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Son premier long métrage est une réussite, Manele Labadi a décidé de nous raconter une sorte de monde à l’envers. Alors que beaucoup ont envie de quitter la Tunisie, Selma décide d’y revenir et de s’y installer sans autre ambition que d’y vivre de son métier, psychanalyste. Elle veut y retrouver un sens dans une vie ou, dans son expérience parisienne, où il y « deux confrères dans chaque immeuble » l’a fortement déçue.

Ce retour vers ses origines est pour elle, à 35 ans, comme un appel et la période est favorable, après des années de dictature, la parole s’est libérée et les Tunisiens ont besoin d’écoute. Après avoir découvert que la psychanalyse est pratiquement inconnue en Tunisie, elle s’installe dans une banlieue populaire de Tunis et ses débuts vont être plus mouvementés qu’elle ne le pensait. Elle doit convaincre ceux qui pensent que l’homme barbu dont le portrait orne son cabinet n’est pas un Frère musulman mais Freud, ceux qui confondent séances tarifées avec prestations tarifées et ceux qui ne la voient pas d’un bon œil car pourquoi parler à une femme quand on peut parler à Dieu.

C’est au moment ou elle commence à pouvoir travailler vraiment qu’un policier lui fait découvrir que pour exercer il lui faut une autorisation du ministère de la santé et la menace de fermer son cabinet. La suite du film va nous la montrer à la recherche de ce Graal, car tout n’a pas changé en Tunisie et beaucoup d’habitudes ont la vie dure, notamment dans l’administration : fonctionnaires absents et injoignables, ou présents mais profitant de sa demande pour améliorer leurs finances, dossier toujours incomplet, défection de ceux qui pourraient l’aider etc…

Ce film est une comédie et si on n’y rit pas aux éclats on garde le sourire en permanence, les scénettes sont drôles et sans aucun doute proches de la vérité sans jamais être caricaturales. Les personnages sont regardés avec tendresse et Golshinteh Farahani, peu connue en France, mais qui ne dément pas le grand talent de ses débuts avec Leonardo di Caprio, donne à son rôle une épaisseur surprenante

Délicieux moment à voir sans hésiter.

Gérard Durand


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