19 novembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Avec la crise sanitaire du Covid-19, on a vu apparaitre de plus en plus de gourous sur les réseaux sociaux, où il est possible de fédérer une large communauté.
Emmanuelle Lucas
Lire "Dérives sectaires : un « délit de sujétion » pour mieux lutter contre les gourous"
La lutte contre les dérives sectaires s’apprête à revenir devant le Parlement, plus de vingt ans après la loi About-Picard, dernier grand texte sur le sujet. Mercredi 15 novembre, la secrétaire d’État à la citoyenneté Sabrina Agresti-Roubache a présenté en conseil des ministres son propre projet de loi, afin de durcir la réponse pénale à l’encontre des gourous et de s’adapter à leurs nouveaux profils. Il doit désormais être inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
Il y avait urgence à agir. Depuis la loi About-Picard de 2001, on constate une « multiplication par deux des signalements à la mission de lutte contre les sectes (Miviludes) » – 4 020 en 2021–, ainsi qu’une « transformation » de leur nature, confirme-t-on de source ministérielle. De plus, avec la crise sanitaire du Covid-19 et le développement des réseaux sociaux, « on a vu apparaître des gourous 2.0 qui fédèrent de véritables communautés ».
Pourtant, longtemps les associations ont eu l’impression de parler dans le vide : une Miviludes restée sans président pendant des mois, aucun travail parlementaire mené depuis 2001, etc. « Aussi, c’est une excellente nouvelle que le gouvernement s’engage », se félicite désormais Catherine Picard, coautrice de la loi About-Picard. Car pendant ce temps, son propre texte, devenu l’article 223-15-2 du code pénal, est devenu obsolète.
Il punit « l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne en état de sujétion ». « Or, à l’époque où nous l’avions adopté, les gourous laissaient des écrits partout derrière eux, appelaient clairement au suicide, par exemple, donc sur le plan pénal, les preuves de l’abus étaient assez simples à apporter. Désormais, ils sont devenus très précautionneux et se gardent bien de laisser des traces de leurs soi-disant conseils », illustre-t-elle.
« Faire comprendre qu’on peut être réduit à l’état de sujet »
De plus, l’écriture même du texte avait montré certaines limites. « Le concept d’“état de sujétion” a été difficile à faire passer auprès de certains magistrats, explique Catherine Katz, ancienne présidente de cour d’appel aujourd’hui présidente de l’Unadfi. Il a fallu beaucoup de temps et de pédagogie pour commencer à faire admettre que quiconque doté d’intelligence pouvait être amené à être séduit par des promesses mensongères même aberrantes, qu’il est possible de se faire voler sa liberté par des manœuvres manipulatoires. »
Aussi, le gouvernement veut aujourd’hui franchir un pas supplémentaire et réarmer le code pénal. Son projet de loi, présenté comme « une réforme majeure des outils juridiques », prévoit notamment de créer un nouveau « délit de sujétion ». Les peines prévues seraient de trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.
Des poursuites facilitées
L’idée est de changer la focale et de se concentrer davantage sur le gourou et ses manœuvres destinées à mettre sa victime sous sa coupe, que sur la victime elle-même. S’il est confirmé par le Parlement, ce nouveau prisme pourrait prouver son efficacité, estime Catherine Katz. « Il devrait faciliter les poursuites », confirme un magistrat du parquet. Concrètement, ce seront désormais les actes et manipulations qui visent à maintenir en état de sujétion psychologique qui seront désormais punis, sans qu’il y ait à prouver un abus de faiblesse ou l’existence de violences psychologiques, par exemple, notion toujours difficilement saisissable.
Du point de vue des juges, il est plus simple, en effet, de prouver des faits que d’apporter la preuve d’une « intention de nuire à sa victime supposée ». Les poursuites devraient s’en trouver largement facilitées.
Les autres dispositions du projet de loi
► Alors que 25 % des saisines de la Miviludes concernent le domaine de la santé, le texte crée un délit de « provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques » exposant à un « risque grave pour la santé ». La peine encourue serait de 15 000 € et un an d’emprisonnement.
► Le projet de loi veut aussi faciliter les sanctions disciplinaires pour les praticiens déviants, avec la transmission obligatoire des condamnations aux ordres professionnels.
► La « mise en état de sujétion » devient une circonstance aggravante des délits et crimes. Par exemple, un viol commis sur une victime sous emprise sectaire sera désormais passible de vingt ans de prison et non plus de quinze ans.
► Les victimes seront mieux accompagnées. Davantage d’associations seront autorisées à se constituer parties civiles aux procès."
Voir aussi dans la Revue de presse les rubriques Sectes, Complotisme (note de la rédaction CLR).
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