Revue de presse

"Turquie : le voile islamique entre dans les lycées, la laïcité mise à mal" (AFP, 23 sept. 14)

27 septembre 2014

"Après l’université, la fonction publique et l’Assemblée nationale, le port du foulard islamique a été libéralisé dans les lycées en Turquie, dirigée depuis douze ans par un gouvernement islamo-conservateur accusé par ses détracteurs de mettre à mal la laïcité.

"Tout le monde peut vivre sa vie comme bon lui semble (...). Nous avons décidé d’avancer vers une approche plus libérale dans l’enseignement au sujet d’un problème suscitant des inquiétudes depuis longtemps", a indiqué le Premier ministre Ahmet Davutoglu lors d’un entretien accordé lundi soir à la chaîne privée NTV.

Quelques heures auparavant, au sortir d’un conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Bülent Arinç avait annoncé l’abrogation de la règle interdisant strictement le port du foulard à l’école pour permettre aux lycéennes de se voiler.

Le voile avait déjà été autorisé par le pouvoir dans les écoles religieuses, les "Imam Hatip", où les filles peuvent porter le hijab dès l’âge de 12 ans, après l’école primaire.

Toutes les étudiantes pourront désormais se voiler dès la première année du lycée.

"Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) a élargi les libertés dans tous les domaines et cette mesure s’inscrit dans cette voie", a dit M. Davutoglu.

"Lorsque nous avons levé l’interdiction de porter le voile dans la fonction publique (en 2013), il n’y a pas eu de conflit", a insisté M. Davutoglu niant toute volonté d’intervention du régime dans "le mode de vie" des Turcs.

Mardi, le ministre de l’Éducation nationale Nabi Avci a défendu la modification affirmant que "Toute initiative en faveur des libertés est une bonne chose".

Il a expliqué que la décision du gouvernement répondait aux "très nombreuses demandes de parents d’élèves" et souligné que la nouvelle mesure ne s’appliquait pas à l’école primaire.

L’opposition laïque au Parlement s’opposait avec véhémence à la libéralisation du foulard à l’école, estimant que cela nuisait à la laïcité, principe constitutionnel en Turquie, imposé par le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.

"Le voile n’a pas de place à l’école, dans les lycées", avait déclaré le chef de file des laïcs, Kemal Kiliçdaroglu, président du parti républicain du peuple (CHP)

Plusieurs syndicats d’enseignants se sont élevés contre cette mesure.

"La société (turque) est entraînée vers le Moyen-Age par une exploitation de la religion", s’est indigné Kamuran Karaca, président du syndicat Egitim-Sen, estimant que cela allait provoquer "un traumatisme" dans un pays laïc, a rapporté le journal Hürriyet. [...]

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, l’AKP a cessé milité pour le port du voile qui a successivement été autorisé dans les universités, la fonction publique et au Parlement.

La grande majorité des épouses et des filles des dirigeants turcs le portent.

L’AKP, dirigé jusqu’à tout récemment par le président Recep Tayyip Erdogan, élu à ce poste en août, est accusé par les cercles laïcs de vouloir islamiser le pays. En été 2013, la Turquie a été secouée par un mouvement de manifestations inédites violemment réprimées dénonçant "la dérive islamiste" du régime.

Le pouvoir s’est aussi illustré par des mesures restreignant la vente et la consommation d’alcool, banni par l’islam, et son opposition à la mixité dans les résidences universitaires.

La semaine dernière, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait sommé Ankara à réformer l’enseignement religieux obligatoire à l’école qui mettait en valeur l’approche sunnite de l’islam, majoritaire en Turquie.

M. Davutoglu avait balayé les critiques européennes, estimant que ces cours empêchaient "la radicalisation" en Turquie, en référence à la montée de l’islam radicale dans les pays voisins, en Irak et en Syrie, confrontées aux atrocités des jihadistes du groupe de l’Etat islamique (EI)."

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