29 avril 2016
Le 26 avril 2016, le président du parlement turc, Ismail Kahraman, déclarait que « la nouvelle Constitution ne doit pas être laïque » dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par le président Recep Tayyip Erdogan, fondateur de l’AKP.
Deux jours plus tard, deux journalistes turcs de Cumhuriyet, quotidien laïque et seul journal du monde musulman à avoir reproduit des extraits des caricatures publiées par Charlie Hebdo, Ceyda Karan et Hikmet Cetinkaya, ont été condamnés à deux ans de prison chacun pour avoir justement illustré en 2015 leur éditorial d’une caricature de Mahomet parue dans l’hebdomadaire français.
L’inquiétude règne dans les rangs des laïques turcs, qui ont le courage de manifester dans les rues d’Istanbul et d’Ankara, pour protester contre les restrictions de plus en plus préoccupantes des libertés fondamentales dans ce pays qui a longtemps fait figure de tête de pont de la modernité et des Lumières dans le monde musulman.
Rappelons qu’en 1996, le Parti du bien-être (Refah Partisi ou RP) dont émergera en 2001 après diverses métamorphoses, le Parti pour la justice et le développement (AKP), prenait le pouvoir en Turquie, rompant avec près de 80 ans de régime laïque. Après des décennies de réformes progressistes, marquées particulièrement par l’émancipation des femmes à qui les portes de l’université s’ouvraient dès le début des années 1920 et qui obtenaient le droit de vote et d’éligibilité entre 1929 et 1234 (dix ans avant les Françaises, rappelons-le), la pression religieuse s’est progressivement accentuée.
Depuis maintenant 20 ans, malgré la vigilance de la Cour constitutionnelle et de la société civile, la liberté absolue de conscience et d’opinion, l’égalité entre les individus, l’égalité de tous devant la loi sont remises en cause, jour après jour, par une politique constante de réintroduction de la contrainte religieuse dans l’espace public et de communautarisation du peuple turc.
Laissons la parole à la députée laïque Safak Pavey, membre du Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi ou CHP), formation républicaine, social-démocrate et laïque : « Quand une approche morale confessionnelle devient dominante, attaquer et brutaliser les gens qui n’y adhèrent pas devient légitime. Le concept de péché et celui de crime sont systématiquement et volontairement confondus par le gouvernement ».
C’est encore et toujours à l’aune du sort fait aux femmes que l’on peut mesurer les reculs de la démocratie en Turquie. Safak Pavey ajoute « ainsi, les violences contre les femmes qui ne se soumettent pas à ces lois ne sont pas présentées comme des crimes, mais davantage comme une bonne action religieuse. »
Le Comité Laïcité République, qui a remis son prix international de la laïcité 2015 au pianiste turc Fazil Say, alors condamné dans son pays pour insulte à l’islam, après avoir affiché sur internet des poèmes d’Omar Khayyam – et dont la condamnation a été suspendue depuis – est très préoccupé par cette situation et apporte son soutien à toutes les forces qui en Turquie se battent aujourd’hui pour défendre la laïcité, la liberté des femmes, la liberté des journalistes et l’émancipation de tous les hommes et les femmes de ce pays.
Comité Laïcité République
le 29 avril 2016.
Comité Laïcité République
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