22 février 2013
"Le parti islamiste Ennahda (حركة النهضة), après avoir peu à peu monopolisé tous les rouages de l’Etat, s’est avéré incapable de satisfaire les aspirations à la liberté et à la justice exprimées lors du soulèvement de janvier 2011. En outre, Ennahda n’a pas su tenir ses promesses électorales. Pis encore, cette formation est loin d’avoir rompu avec les pratiques de la dictature du président déchu Ben Ali. Ses tendances autoritaires, associées à une incompétence et à une irresponsabilité généralisées, ont conduit le pays à une situation de crise latente et accéléré la décomposition de l’Etat tunisien, après des décennies de construction d’institutions républicaines dignes de ce nom.
Pour ce qui est des aspects sociaux, Ennahda, après avoir fait de l’identité arabo-musulmane et du primat de la religion sa fondation idéologique, n’a pas tardé à diviser la population : les citoyens qui adhèrent à son idéologie sont considérés comme de bons musulmans ; ceux qui ne le font pas sont exclus et qualifiés de mécréants, de suppôts de l’Occident, ce qui légitime la violence contre eux et crée de graves tensions sociales. La vieille peur de la dictature s’est muée en une peur de la société, dont certaines composantes, encouragées ou contraintes par les islamistes, sont devenues intolérantes envers toutes les différences, au point que les agressions contre les “incroyants” se sont multipliées. Le rêve d’une société pacifique, pluraliste et tolérante, où cohabiteraient des citoyens égaux en droits et en devoirs, a vécu.
Par ailleurs, la pauvreté s’est aggravée, entraînant un exode rural important et par là même une pression démographique accrue sur les grandes agglomérations. Cette situation a conduit à la multiplication des squats, aussi bien dans des bâtiments privés que publics. En outre, il s’est ensuivi une hausse du taux de criminalité dans certaines villes. Pour ne rien arranger, l’immigration illégale vers l’Europe sur des embarcations de fortune est repartie à la hausse, au mépris des risques, y compris mortels, tandis que les autorités restent silencieuses. Les indicateurs économiques témoignent d’une économie délabrée, indépendamment des efforts que fait le gouvernement pour cacher la réalité. Le déclin économique, qui s’est accéléré depuis l’accession au pouvoir des islamistes, touche tous les secteurs à une telle échelle que le développement de l’économie parallèle menace la capacité du gouvernement à tenir ses engagements financiers. Résultat : le pays voit s’effondrer la notation de sa dette souveraine et de son système bancaire.
Il en résulte progressivement une exclusion de la Tunisie de l’indice de compétitivité mondiale par manque de clarté des données. Cet état de fait se répercute sur les affaires et les investissements, et pourrait plonger le pays dans une période d’instabilité prolongée.
Enfin, à l’échelon politique, la coalition dominée par les islamistes a échoué dans son rôle fondamental de protection des citoyens et des institutions, ainsi que dans le maintien des services publics de base. Les ordures ne sont plus collectées que périodiquement, ce qui a pour effet de transformer certaines villes en décharges à ciel ouvert, avec un risque accru d’épidémies.
Plusieurs villes, grandes et petites, sont maintenant confrontées à des coupures d’eau et d’électricité, jusqu’alors inconnues. De plus, l’explosion des violences contre des universitaires, des artistes, des intellectuels, du personnel diplomatique et d’autres citoyens, ainsi que le harcèlement des journalistes et les entraves à la liberté d’expression ouvrent un dangereux chapitre dans les relations entre l’Etat et ses citoyens. Souvent, cette violence est le fait d’organisations extrémistes, agissant librement comme des milices avec l’apparente complicité des autorités, qui n’hésitent pas à faire appel à la justice pour châtier ceux qui refusent de se soumettre.
La corruption est très répandue et gagne tous les secteurs, en particulier les postes administratifs. Même l’accès aux services sociaux dépend de la fidélité au parti islamiste. Cette corruption touche aussi certains éléments du patrimoine, qui sont soit pillés, soit revendus par les autorités, dans une absence totale de transparence.
Un large pan de la population remet de plus en plus en cause la légitimité du pouvoir en place, en particulier face au refus des autorités de fixer une date précise pour les élections et de fournir une feuille de route claire pour la transition démocratique. [...]"
Comité Laïcité République
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