Revue de presse

"Toulouse : pas de désertion à l’école Ozar-Hatorah" (J.-Y. Camus, Charlie Hebdo, 23 mars 22)

28 mars 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"Le 19 mars 2012 au matin, Mohamed Merah faisait irruption dans l’école juive Ozar-Hatorah de Toulouse, tuant quatre personnes, dont trois enfants. Il avait auparavant assassiné, à Montauban, trois parachutistes et laissé un quatrième très grièvement blessé. Ce n’était pas la première attaque terroriste contre une école juive, pas même la première imputable à l’islam radical : en 1995, le groupe Kelkal avait ciblé celle de Villeurbanne. Ce ne sera pas la dernière : en 2016, un adolescent d’origine kurde se réclamant de Daech attaquait à la machette un enseignant juif à Marseille, le blessant légèrement. Dans un contexte d’augmentation globale des actes antisémites ­depuis le début de la seconde Intifada, en 2000, la tuerie déclenche un grand mouvement de départs vers Israël : on estimait en 2017 que 300 familles juives toulousaines, sur une communauté d’environ 20 000 personnes, avaient fait leur alya.

Mais l’enseignement juif n’en périclite pas pour autant. Au contraire. La crainte des attaques verbales et parfois physiques contre leurs enfants qui fréquentent l’école publique pousse encore des parents à les scolariser dans des écoles juives. Ariel Goldmann, du Fonds social juif unifié (FSJU), estimait qu’entre 2016 et 2017, en contrecoup de l’attentat contre l’Hyper Cacher, 1 000 enfants supplémentaires avaient rejoint des écoles confessionnelles. Au total, ce seraient 35 % des jeunes Juifs qui fréquenteraient ces écoles, une centaine environ, dont 76 % sont sous contrat avec l’État.

Ce mouvement vers le privé, qui n’est pas propre à la commu­nauté juive, d’ailleurs, doit être compris dans la complexité de ses causes. L’antisémitisme, certes, qu’aucune politique gouvernementale n’a réussi à ramener au niveau des années 1990. Mais aussi une volonté, chez nombre de familles, de donner à leurs enfants un niveau de connaissances et d’observance religieuses plus élevé que le leur… Loin d’inciter la commu­nauté juive de Toulouse à renoncer à son école, et malgré une baisse des inscriptions à la rentrée suivant l’attentat, il existe une fierté à continuer, à témoigner. L’école a ainsi changé son nom et se nomme désormais Ohr-Torah, soit « la lumière de la Torah »…

Comme dans tous les établissements sous contrat, beaucoup de professeurs de matières non religieuses et de responsables pédagogiques ne sont pas juifs. À Toulouse, ils sont restés en poste, dans une communauté scolaire plus soudée que jamais. Même s’il a fallu du temps, des témoignages sortent, tel le livre récent de Jonathan Chetrit, Toulouse, 19 mars 2012. L’attentat de l’école Ozar Hatorah par ceux qui l’ont vécu (éd. Albin Michel). Ce recueil de témoignages d’élèves, de parents et de professeurs qui ont vécu les faits est remarquable, parce que celui qui en est à l’origine, lui-même rescapé, explique : « Quand il y a eu l’attentat à l’école, on a parlé d’une école juive, d’enfants juifs, mais en fait on a oublié de dire que c’est une école de la République française, que ces enfants avant d’être juifs ils étaient français. » Quand on lit cela, quand on sait que le réseau Ozar-Hatorah s’est implanté en France dès 1964, l’école Yabné à Paris en 1948, et l’école Lucien-de-Hirsch, toujours à Paris, en 1901, on réalise que ces établissements ont produit des citoyens français avec leur héritage culturel spécifique, pas des fanatiques intégristes."

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