Note de lecture

Tardi, Vautrin - Au coeur de la Commune de Paris, une intrigue captivante (S. Mayol)

par Samuel Mayol. 4 août 2022

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Tardi, Jean Vautrin, Le Cri du peuple, éd. Casterman (nouvelle édition), 2021, 176 p., 25 e.

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Roman dessiné truculent, démesuré, souvent très drôle, parfois très dur. Vautrin utilise un argot jubilatoire et invente même des mots qui n’existent pas, mais dont on capte le sens tellement l’image est forte ! Le bouquin se dévore sans temps mort. On en apprend autant sur la Commune de Paris que dans les livres d’Histoire.

En cette année du souvenir de cette guerre civile d’il y a 150 ans à peine, tout en pensant aux conflits plus récents, on mesure combien la nature humaine peut devenir bestiale, la haine de classe et le ressentiment toujours plus mortifères. De ce côté-là, je crains que nous n’ayons fait aucun progrès

Le récit s’ouvre à l’aube de la Commune de Paris, alors que monte la rumeur de la révolte et de l’espoir du peuple, juste après le désastre de la guerre perdue contre la Prusse. Le cadavre d’une femme, serrant dans sa main un œil de verre portant le numéro 13, est découvert dans la Seine. Grondin a fait vingt ans de bagne et cherche celui dont il croit avoir endossé le crime, Tarpagnan. Théophile Mirecourt, le photographe, officie sur les barricades pour Le Cri du peuple, le journal de Jules Vallès. Il se lie d’amitié avec le Capitaine Tarpagnan, qui lui-même risquera sa vie en tombant amoureux de "CafConc", la belle Gabriella Pucci aperçue le temps d’un mouvement de foule...

L’intrigue, complexe, entremêle les personnages fictifs et les sombres héros historiques de cette tragédie.

Ce Cri du peuple, c’est aussi une immersion dans le petit peuple parisien porté par un parler gouailleur et argotique. Et une histoire qui court joliment sur les soixante-douze jours de la Commune, de la révolte initiale pour conserver les canons de la Garde nationale, jusqu’à l’épilogue de la semaine sanglante et son flot de morts.

Des bouges miteux aux cahutes bordant Paris jusqu’aux barricades, le récit fait revivre avec une force intense la période, réussissant brillamment à mêler les personnalités marquantes de l’époque, Louise Michel, Jules Vallès bien sûr (dont le nom du journal fournit le titre au roman), Gustave Courbet, un peu inquiet d’apparaître comme l’initiateur de la destruction de la colonne Vendôme, et les autres grands noms de la Commune, mais aussi toute une série de personnages fictifs et attachants.

Un récit confus comme le furent ces combats. Des destins sacrifiés, des traitrises et des terreurs, des flots de sang...

De véritables moments de grâce et d’émotion devant cette bataille menée contre l’injustice et pour l’émancipation.

Nous suivons les protagonistes de cette période dans leurs espoirs, leurs doutes, leurs héroïsmes, jusqu’aux derniers moments de la révolte

Énorme. Je recommande vivement.

Samuel Mayol


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