Revue de presse

Syrie : " Vers la radicalisation" (Al-Shourouk / Courrier international, 21 mars 13)

30 mars 2013

"Les slogans de la révolution syrienne jadis rassembleurs ont glissé vers des mots d’ordre islamistes. Mais la rue n’a pas dit son dernier mot.

Depuis le début de la révolution [mars 2011], on a pris l’habitude de donner des noms au vendredi, jour où les Syriens et les Syriennes de la plupart des villes et villages descendent dans la rue pour manifester. C’est une manière d’aiguiser l’élan révolutionnaire à l’intérieur du pays ou de réagir aux positions généralement attentistes et timorées de la communauté internationale ou des pays arabes. Les sociologues, les historiens et plus encore les spécialistes de l’analyse du discours ne tarderont pas à étudier ce phénomène et à en tirer des enseignements sur les différentes étapes de la révolution. De l’appel à l’unité nationale (“Le peuple syrien est un”) aux tentatives de gagner l’armée régulière à leur cause ou de la neutraliser (“L’armée, protectrice de nos foyers”), en passant par la mise à l’honneur de militants qui représentent une des communautés du pays, le salut adressé à une minorité nationale telle que les Kurdes, le rappel de la fête d’une minorité religieuse [chrétienne] (“Vendredi saint”) ou encore la dénonciation du silence arabe (“Votre silence nous tue”), ces mots d’ordre cherchaient autant que faire se peut à préserver le consensus entre tous les Syriens et à ménager les sujets sensibles qui risquent d’approfondir les divisions entre les communautés.

Avec la multiplication des affrontements armés et le poids grandissant du facteur religieux, modéré au départ mais de plus en plus radical, pour ne pas dire extrémiste, les mots d’ordre du vendredi ont pris une coloration de plus en plus religieuse, avec le recours au nom des compagnons du Prophète et des grandes batailles et conquêtes de l’histoire musulmane. Ces nouveaux choix étaient donc un indicateur précis de la montée en puissance des courants politiques utilisant des idéologies qui, afin d’imposer leurs idées au pays, ont recours au “sacré”.

A mesure que les attaques du régime deviennent plus féroces et que le nombre de martyrs augmente, les noms prennent un tour de plus en plus inquiétant et confessionnel [musulman sunnite]. C’est à croire que le régime syrien a finalement réussi à enfermer la révolte populaire dans une logique d’affrontement entre communautés religieuses. De sinistres idées refoulées ont refait surface sous l’effet des coups de boutoir que le régime inflige à la société ou de financements [saoudiens et qataris] obéissant à des considérations idéologiques, pour aboutir à voler la révolution aux Syriens et aux Syriennes. [...]

Entre ceux qui ont voulu, le vendredi 8 mars, un “vendredi contre les Mazdéens” [une manière raciste de conspuer la minorité alaouite au pouvoir et surtout l’allié iranien du régime] et ceux qui ont opté pour un “vendredi de la femme syrienne”, les Syriens doivent choisir à qui ils confieront l’avenir de leurs enfants."

Lire " Vers la radicalisation".


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