7 mai 2016
"La Commission nationale consultative des droits de l’homme présente son rapport annuel ce matin. Surprise, la tolérance progresse.
Une France plus tolérante. C’est l’enseignement plutôt inattendu du rapport 2015 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, que présente ce lundi 2 mai la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, pointe :
"On pouvait logiquement s’attendre, avec les attentats de janvier et de novembre, avec la crise économique, et avec l’augmentation des actes racistes l’an passé, à une hausse du rejet de l’autre, de l’étranger. Il n’en est rien."
Après quatre années de baisse, puis une stabilisation en 2014, l’Indice longitudinal de tolérance, mis en place par la commission, progresse ainsi de cinq points, passant de 59 à 64 sur 100. Cela place 2016 dans les cinq années les plus tolérantes depuis les premières mesures de l’outil en 1990. Il y aurait donc une apparente contradiction entre les actes et les opinions.
C’est ce qu’ont constaté les politologues qui travaillent pour la commission. "Nous avions remarqué un frémissement en 2014, indique Nonna Mayer, chercheuse au CNRS et au Centre d’études européennes de Sciences Po. Mais la tendance à une plus grande tolérance s’est confirmée après les attentats de janvier, lors de la précédente vague d’enquête de mars 2015, et plus encore après ceux de novembre, lors de notre dernier sondage de janvier 2016." Pourquoi une telle évolution ? "Plusieurs raisons peuvent être envisagées". La première :
"Il y a d’abord eu un réflexe républicain, un élan de solidarité après les deux séries d’attentats et beaucoup d’initiatives ont été prises au même moment de la part des représentants des différentes confessions pour appeler au dialogue et à une plus grande tolérance."
Et la seconde :
"On a également noté un sursaut anti-Front National dont l’image se dégrade depuis le second tour des élections régionales et un recentrage de l’électorat de droite dont le rejet de l’étranger avait nettement augmenté ces dernières années."
Une tendance lourde
L’Indice longitudinal de tolérance a été élaboré à partir des travaux du politiste américain James Stimson et agrège 69 séries de questions sur la perception de l’autre posées au moins trois fois au cours des différentes vagues d’enquête depuis 1990. Toutes les minorités étudiées, juifs, musulmans, maghrébins, noirs, bénéficient d’une meilleure image dans l’opinion française. Même celle des roms s’améliore. C’est pourtant de loin la population la plus rejetée et pour laquelle "subsiste un racisme biologique du type de celui qu’on observait au XIXe siècle", précise Nonna Mayer.
L’Indice longitudinal de tolérance bénéficie désormais d’un recul de près d’un quart de siècle. Nonna Mayer conclut :
"Sur le long terme, la tolérance en France à l’égard de toutes les minorités n’a cessé de progresser. Cela s’explique par l’augmentation globale du niveau d’études et par le renouvellement générationnel."
"Il y a toutefois des hauts et des bas. On observe un pic de tolérance en 1998 qui correspond à un effet Coupe du monde de football. Mais un recul marqué après les violences urbaines de 2005, déclenchées par la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois. Et plus encore après 2008, qui marque le début de la récession économique et de la montée en puissance du discours identitaire polarisé contre l’immigration et contre l’islam, incarné par la ligne Sarkozy-Buisson.
"Finalement, ce sont moins les événements stricto-sensu qui influent sur les opinions que la manière dont ils sont cadrés par les élites."
Nathalie Funès"
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales