Revue de presse

"Suicide à Notre-Dame : Venner, itinéraire d’une éminence brune" (nouvelobs.com , 21 mai 13)

21 mai 2013

" L’essayiste d’extrême droite de 78 ans, qui s’est donné la mort de manière spectaculaire, était considéré comme le théoricien du nouvel âge du nationalisme français. Portrait

Inconnu du grand public, c’est un personnage considérable de l’histoire de l’extrême droite contemporaine qui vient de se suicider en l’église Notre-Dame de Paris. Dominique Venner, 78 ans, est un essayiste prolifique, considéré comme le théoricien du nouvel âge du nationalisme français et de sa renaissance après-guerre. Une sorte d’éminence grise, et même brune, rescapée de tous les combats perdus de cette famille politique depuis la Libération, qui fait figure de maître à penser pour toute une génération de ses cadres et dirigeants. Le penseur rénovateur d’une ultra-droite d’obédience païenne, sa sensibilité anti-chrétienne rendant d’ailleurs assez inattendu son choix de mettre fin à ses jours sur l’autel d’une cathédrale…

Lors d’une première vie d’activiste, dans les années 50, Dominique Venner avait adhéré au mouvement Jeune Nation, de Pierre Sidos. Il rejoignit ensuite les terroristes de l’OAS durant la guerre d’Algérie, cet engagement lui valant de faire un séjour de 18 mois à la prison de la Santé. C’est à sa sortie de détention, en 1962, que Dominique Venner se lance dans la rédaction d’un texte intitulé "Pour une critique positive" qui va faire de lui une référence dans les milieux intellectuels de l’extrême droite. [...]

Tandis que ce texte musclé s’échangeait sous le manteau dans les cénacles nationalistes, Dominique Venner s’est efforcé d’en mettre en oeuvre les grands principes à l’aube des années 60 en créant le journal et le groupe "Europe-Action", pépinière de jeunes pousses nationalistes et école de formation pour toute une frange de ses futurs cadres.
Idéologie racialiste

Il a ensuite participé aux côtés d’Alain de Benoist à la fondation du GRECE (Groupement de recherches et d’études pour la civilisation européenne ), un cercle de pensée qui s’est concentré sur un combat métapolitique et culturel visant à la conquête des esprits, un préalable jugé incontournable à la prise du pouvoir selon la fameuse lecture marxiste d’Antonio Gramsci. Berceau d’une idéologie racialiste, le GRECE s’est efforcé de donner des fondements théoriques à une conception viscéralement inégalitaire des cultures et des peuples.

Au nom d’un "droit à la différence" utilisé comme prétexte, il s’agissait de professer une hiérarchisation des civilisations qui accordait aux Européens un rang supérieur et un statut immaculé, menacés de submersion et de dilution par les migrations des populations venues du Sud. Divers "enfants" du GRECE comme Jean-Yves Le Gallou ou Yvan Blot ont essaimé cette vision du monde d’Occidentaux assiégés au sein du club de l’Horloge dans les années 70, où les a rejoint Bruno Mégret, puis au coeur du Front national au cours de la décennie suivante.

Dominique Venner ne fut pas de cette aventure-là. Au fil des années 70, il s’était éloigné de l’action politique et militante proprement dite pour publier une kyrielle d’essais. Il y prône la "défense des valeurs occidentales", la hantise du métissage vécu comme le prélude à la disparition de la civilisation européenne, mais aussi de nombreux ouvrages historiques sur l’Armée rouge, le IIIe Reich, ou la Collaboration. Parallèlement, il a continué de diriger successivement deux revues d’histoire ancrées à l’extrême droite, "Enquête sur l’histoire" puis"La Nouvelle revue d’histoire", dont les marottes consistaient, pour l’essentiel, à réhabiliter l’oeuvre du maréchal Pétain, le régime de Vichy ou encore l’action de l’OAS.
Le "martyr" d’une cause qui vire au fanatisme

Terrifié par le spectre de la "décadence" et obnubilé par la question identitaire, Dominique Venner mélange ses obsessions dans son dernier post-testament publié ce matin sur son blog. En guerre contre ce monde moderne qu’il exècre, il exprime un même rejet viscéral du "mariage pour tous", "une loi infâme […] qui peut toujours être abrogée", et des des musulmans qui menaceraient de submerger l’Occident. Il brandit tel un épouvantail "le grand remplacement de population de la France et de l’Europe" fantasmé par l’écrivain Renaud Camus et lance : "Il ne suffira pas de gentilles manifestations de rue pour l’empêcher […] Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines".

Dominique Venner a voulu faire de son suicide le "martyr" d’une cause virant au fanatisme. Il boucle ainsi la boucle d’un engagement dont l’idéologie radicale a souvent servi à cautionner une action violente et illégale. En saluant le contenu "éminemment politique" de son "dernier geste" qui "a tenté de réveiller le peuple de France", la présidente du Front National, Marine Le Pen, montre qu’elle fait bel et bien partie de cette longue histoire de l’extrême droite française. Et en assume l’héritage."

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