Revue de presse

"Statut de l’imam, « fédération de l’islam »… Les annonces de Gérald Darmanin devant le Forif" (la-croix.com , 27 fév. 24)

29 février 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Analyse Devant les participants du Forif réunis pour leur deuxième session annuelle le 26 février, Gérald Darmanin a annoncé la création d’un statut de l’imam dans les six mois. Il s’est également engagé sur le chantier des carrés confessionnels et a invité les associations musulmanes à se structurer en fédération.

Marguerite de Lasa

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Lorsqu’il a évoqué la question, un soupir d’enthousiasme a traversé l’assistance. Devant les quelque 86 participants du Forum de l’islam de France réunis Place Beauvau, lundi 26 février, à l’occasion de la deuxième session annuelle de cette plateforme de dialogue entre l’État et le culte musulman, le ministre de l’intérieur a notamment annoncé la création prochaine d’un statut de l’imam. Une mesure très attendue par les responsables du culte musulman en France.

« Grâce au Forif et à notre travail collectif, j’annonce qu’il y aura désormais un statut de l’imam en France », a déclaré Gérald Darmanin. « La plupart des imams sont français mais n’ont pas accès à des structures adéquates, a-t-il développé. Il reste un gros effort à fournir pour que les croyants de France aient des cadres religieux mieux formés, dignement rémunérés et pleinement insérés dans la société française. »

Pour cela, le ministre de l’intérieur a officiellement « demandé au Forif de travailler sous six mois à la création d’un statut de l’imam en France », estimant qu’il fallait « renforcer l’offre de formation » dans le pays. Et il a réparti les rôles, entre formation théologique et profane : « À l’État, la formation à ce qui fait la France et sa spécificité ; à vous (les responsables musulmans), la formation théologique et spirituelle des imams. »

« Il y a une volonté politique de créer un statut de l’imam »

Face à cette annonce, qui intervient peu après celle, fin décembre, de la fin des imams détachés, les acteurs musulmans présents n’ont pas caché leur enthousiasme. « C’est un grand engagement », a réagi Yacine Hilmi, membre du groupe de travail sur le statut de l’imam au Forif, qui planche depuis deux ans sur ce sujet, et a déjà élaboré, avec d’autres, des fiches de postes précisant les fonctions de l’imam et ses qualifications. « Nous sommes en attente depuis des années qu’il y ait un statut de l’imam. Là, c’est sûr que tout le monde va se mettre au travail », lance-t-il, résolu à répondre à l’appel du ministère de l’intérieur pour être prêt dans les temps. De fait, selon divers observateurs, le flou actuel sur le statut de l’imam en France retardait la question de leur formation requise et celle de leur rémunération attendue, et participait donc à rendre la profession peu attractive. « Nous sommes désormais assurés qu’il y a une volonté politique de créer un statut de l’imam », analyse aussi Kalilou Sylla, imam de la Grande Mosquée de Strasbourg et lui aussi membre du Forif. « Auparavant, nous n’en étions pas absolument sûrs. »

Lors de sa prise de parole, le ministre de l’intérieur s’est également engagé à avancer sur une autre question pressante : celle des carrés confessionnels dans les cimetières. « Aujourd’hui, les musulmans de France sont nés en France, ont grandi en France, travaillent, vivent et élèvent leurs enfants en France, mais ont du mal à être enterrés en France, dans leur patrie, leur terre, par manque de place dans les carrés confessionnels, a-t-il explicité. D’ici au 1er juillet, s’est-il engagé, nous ferons en sorte que l’accès à une sépulture ne soit plus un sujet pour nos compatriotes. » Le ministre de l’intérieur assure ainsi avoir demandé au bureau central des cultes ainsi qu’à la Direction générale des collectivités territoriales d’y travailler « dès maintenant. »

Enfin, après avoir rappelé la confiance qu’il porte au Forum de l’islam de France, structure voulue par le ministère de l’intérieur il y a deux ans pour tourner la page du CFCM, Gérald Darmanin a abordé indirectement l’épineuse question de la représentation de l’islam de France, que les membres du Forif écartaient jusque-là, définissant celui-ci comme une « instance de dialogue » et non comme une « instance représentative. »

« Une fédération des associations musulmanes comme il y a une fédération des protestants »

« L’organisation, ou plutôt la désorganisation de l’islam de France est notre sujet d’avenir, a-t-il affirmé, saluant la structuration au niveau départemental de l’islam, qui s’est effectuée dans une quarantaine de départements. « Ce n’est pas à l’État de présider à cette structuration mais bien à vous », a-t-il martelé aux acteurs, formulant une invitation à « voir demain une fédération des associations musulmanes comme il y a une fédération des protestants ».

Le ministère de l’intérieur a ainsi salué les acteurs du Forif qui « ont décidé de formuler des propositions » qui, dit-il, « ne sauraient s’inscrire dans des organisations déjà connues qui ont montré leur échec ». Il taclait ainsi de manière allusive le CFCM, qui existe encore et vient d’acter sa réforme pour se doter lui aussi d’une structure au niveau départemental, malgré le désaveu du gouvernement.

Le Forif s’est, de fait, doté pour cette nouvelle session de deux nouveaux groupes de travail, qui se sont ajoutés aux quatre premiers : l’un sur les ressources et le financement des associations culturelles, et l’autre sur la « structuration territoriale des acteurs du culte musulman. » « Pour moi, l’heure n’est pas encore à la représentation », estime pour sa part Najat Benali, rectrice de la mosquée Javel à Paris et membre de ce nouveau groupe. « L’objectif à ce stade est de mieux se connaître entre les acteurs et d’apprendre à travailler ensemble, pour travailler de mieux en mieux au niveau national. »

Les annonces du ministre ont en tout cas permis de requinquer les participants du Forif, dont certains, avant la session, avouaient avoir connu des moments de scepticisme face au climat politique actuel. « Nous avons été plusieurs à nous poser la question de reconduire notre présence au Forif étant donné le positionnement de certains ministres sur l’islam, très vindicatif parfois », confie un membre, évoquant entre autres l’interdiction de l’abaya à la rentrée, ou encore les sorties de Gérald Darmanin accusant par exemple Karim Benzema d’être un Frère musulman.« Pour certains d’entre nous, il était hors de question que le Forif serve de caution morale au ministre pour ensuite stigmatiser l’islam. »


Une augmentation des actes antimusulmans due à la guerre au Proche-Orient

Le ministre de l’intérieur a également indiqué que 242 faits antimusulmans avaient été recensés en 2023, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente. « Cela, nous ne le tolérons pas », a insisté Gérald Darmanin. Près de la moitié de ces actes ont été commis dans les trois derniers mois de l’année, soit après le 7 octobre 2023, date du massacre du Hamas en Israël. « Cela montre que la guerre au Proche-Orient a des résonances évidentes sur notre sol », a constaté le ministre, mentionnant les actes commis contre les mosquées et notamment la tentative d’incendie sur une mosquée à Morlaix, le 13 janvier, et alors que les actes antisémites ont également explosé. « Comme pour tous les Français, je suis le ministre de la protection des croyants, et donc de la protection des musulmans », a-t-il affirmé, évoquant la création au sein du Forif, avec le soutien de l’État, de l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam)."


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Organiser l’"islam de France" dans Islam, le dossier Cimetières (note de la rédaction CLR).


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