Culture / Cinéma

Sorry we missed you : La face hideuse du néolibéralisme (G. Durand)

par Gérard Durand. 27 novembre 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Sorry we missed you, de Ken Loach (1h 40min). Avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone. Sorti le 23 octobre 2019.

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Il s’appelle Franck mais cela n’a aucune importance, il pourrait s’appeler John ou James que cela ne changerait rien au film. En fait il n’est pas vraiment le sujet du film même s’il en est le personnage principal. Le sujet du film est le droit du travail et la façon dont les entreprises, pas seulement les plus grandes, vont mettre en place des stratégies permettant de les contourner.

Le film commence par un entretien d’embauche. Franck qui a beaucoup galéré dans une série de petits boulots est face à un patron particulièrement dynamique et il cherche à se mettre en valeur, oui il est courageux, non les conditions difficiles ne lui font pas peur, non il n’a pas pour habitude de compter ses heures, oui il attache beaucoup d’importance à faire un travail de bonne qualité. Le patron, qui dirige cette agence de livraison de colis en est ravi et le lui dit, Franck fait partie des « winners » dont il a besoin et qui parviennent à se faire un solide revenu par la force de leur travail. Il peut commencer dès le lendemain mais le contrat qu’on lui propose n’est surtout pas un contrat de travail mais un accord de partenariat qui lui garantit sa liberté. Franck signe des deux mains.

Le premier problème est que pour livrer des colis il faut une camionnette et Franck n’en a pas, il n’a pas d’avantage le premier sou pour en acheter une ou au moins payer le premier acompte, sa femme et lui n’ont pour seule richesse que la voiture qu’elle utilise pour ses déplacements d’aide à domicile, mais Franck est tellement persuadé d’avoir trouvé le bon filon qu’il la convainc de la vendre.

Notre homme est donc équipé et il va dès le premier jour découvrir que si son contrat prévoit bien une rémunération il prévoit surtout une impressionnante série de pénalités : Retard le matin ; pénalité, retard de livraison ; pénalité, absence ; payer sur ses deniers un chauffeur de remplacement etc…. Bref difficile de s’en sortir sans travailler 7 jours sur 7 et 12 heures par jour. Tout cela n’arrange en rien la vie familiale et les problèmes s’accumulent, avec sa femme qui privée de sa voiture, voit sa journée s’allonger, ses temps de transports augmenter avec la fatigue qu’ils génèrent. Problème avec les enfants qui ne supportent pas de ne plus voir leur père et se mettent à faire des bêtises qui sont autant d’appels à l’aide.

Inutile d’en dire plus sur un film conçu comme une action militante et qui ne fera sans doute pas date dans l’histoire du cinéma par l’originalité de son scénario.

L’ensemble tend à devenir un grand classique et montre la face hideuse de ce néolibéralisme qui s’est répandu dans le monde comme une énorme épidémie de peste et dont certains gouvernements vantent encore les mérites. Non tout le monde ne peut pas être un premier de cordée et ceux qui le sont ont souvent piétiné beaucoup de monde avant d’atteindre le sommet.

A voir pour son implacable démonstration.

Gérard Durand


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