Revue de presse

"Sondage : Dieu barre la route à un prof sur deux" (G. Biard, Charlie Hebdo, 6 jan. 21)

Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 6 janvier 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Samuel Paty, plus jamais ça ? On aimerait pouvoir être affirmatif. Malheureusement, la situation est nettement plus nuancée, comme le révèle un sondage Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès, dont Charlie a eu la primeur. Cette enquête, menée auprès d’enseignants des premier et second degrés, montre que nombre de contenus d’enseignement sont de plus en plus contestés pour des raisons religieuses, et que les professeurs ne reçoivent pas toujours, loin s’en faut, le soutien qu’ils sont en droit d’attendre de leur hiérarchie.

Ce n’est pas seulement une histoire de chahut en classe. On parle ici d’enseignants qui doivent faire face à des élèves qui rejettent telle ou telle partie de leurs cours ou qui refusent certaines des règles élémentaires de l’école publique, comme la mixité filles-garçons. Cela au nom de la religion. Ça touche les questions liées à la laïcité, on s’en doute, mais aussi les cours d’éducation physique, d’éducation à la sexualité et à l’égalité filles-garçons, l’enseignement moral et civique, les sciences de la vie et de la Terre, l’histoire-géographie… Aucune matière n’y échappe, pas même la musique ou la mécanique. 43 % des enseignants – du primaire et du secondaire, public comme privé – ­interrogés ont été confrontés à ce type de comportement. Et ça monte à 53 % pour les enseignants en collège et lycée publics… Un prof sur deux.

Autrement dit, quand un enseignant fait tout simplement son travail – ce qui était le cas de Samuel Paty –, il y a une chance sur deux pour que ça se passe mal avec certains élèves. Et s’il lui prend l’idée folle d’en informer le rectorat, il y a également une chance sur deux pour qu’on l’envoie balader d’un haussement d’épaules. Ou qu’on lui dise de faire moins de vagues. Ou qu’on lui rétorque qu’il est allé trop loin. Ce qui explique pourquoi ils sont aussi peu (5 %) à faire remonter l’info jusque-là. Et pourquoi 16 % n’en parlent à personne, pas même aux autres professeurs. Car si la majorité des ensei­gnants se sentent soutenus par leurs collègues et par leur chef d’établissement dans ce genre de situation, personne n’est à l’abri d’être envahi par un grand sentiment de solitude… L’institution – à savoir l’Éducation nationale – refusant de toute ­évidence d’affronter le problème, quand elle ne vous en rend pas carrément responsable, il est même admirable que la plupart des profs tiennent bon. Car ils sont 58 % à déclarer ne pas s’autocensurer pour éviter des incidents de la part d’élèves – ou de leurs parents, qui ne sont jamais bien loin. Mais le pourcentage baisse nettement dès le second degré. Il dégringole même à 38 % au lycée… Et c’est majoritairement chez les moins de 30 ans que la tendance pas-de-vagues fait des adeptes : à peine un tiers d’entre eux déclarent ne jamais s’être autocensurés face aux pressions religieuses. Ce qui n’est pas rassurant pour l’avenir de l’école laïque.

Aborder certains sujets en classe devient donc pour beaucoup d’enseignants un poids supplémentaire. Ce qui explique sans doute pourquoi, à la question de savoir si Samuel Paty a eu raison ou tort d’utiliser les caricatures de Mahomet à l’appui de son cours sur la liberté d’expression, 16 % ne souhaitent pas répondre. Certains sujets, ils préfèrent ne pas les aborder du tout. En cela, ils sont raccord avec leur hiérarchie."

Voir "Sondage : Dieu barre la route à un prof sur deux".



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