15 juin 2009
Le 4 juin dernier au Caire, Barack Obama est venu se réconcilier avec les pays arabo-musulmans. Dans la corbeille de mariage… le voile pour les femmes. Encore une fois, c’est sur le dos des femmes que les compromis politiques se font. Et moi Sihem Habchi, fille d’immigrés, avec la même énergie avec laquelle j’ai applaudi l’arrivée de Barack Obama, je m’opposerai à ses dérives.
Je m’attendais à ce qu’il prenne le contrepied de la politique de Bush en ouvrant un espoir et donc un nouveau départ. Et voilà qu’il prend la stricte parallèle de la politique de son prédécesseur. Le premier en voulant faire la guerre aux islamistes a fait la guerre à l’Islam. Et Barack Obama en voulant faire la paix avec l’Islam est en train de faire le compromis avec les islamistes.
Mister President, je découvre que nous n’avons pas la même conception de l’égalité. « I reject the view of some in the west that a woman who chooses to cover her hair is less equal.” Vous rejetez les prises de positions à l’ouest qu’une femme qui couvre ses cheveux est inférieure. « I do not believe that women must make the same choices as men » ; Vous ne croyez pas que les femmes doivent faire les même choix que les hommes pour être leur égale. Votre discours est marqué d’un relativisme culturel aveugle à la dégradation de la condition des femmes, au fait que leurs choix sont rarement vraiment libres !
Ecoutez Taslima Nasreen, Ayan Hirsi Ali, Nawal Saadawi, Khalida Messaoudi, qui ont payé le prix fort pour justement être des femmes libres, pour avoir refusé les menaces des machistes et des intégristes. Que faites vous du sang des femmes afghanes, pakistanaises, algériennes mortes pour avoir refusé de porter le voile ?
Mister President, Où est le choix que vous évoquez pour ces femmes ? Quelle est leur liberté, sinon de choisir de quelle couleur sera leur prison de tissu ?
Mister President, rendez-vous dans les quartiers populaires de France où nous les filles avons lutté malgré les coups et les injures, pour que l’émancipation des femmes soit effective. Ici aussi, le patriarcat domine la société, ici aussi l’obscurantisme cherche à soumettre les filles. Celles qui osent transgresser, ces « putes », sont aussi brulées, comme Sohane ou Chahrazad. Nous avons marché pour l’égalité avec en mémoire les marches pour les droits civiques de Martin Luther King. Vous devez entendre à votre tour le message de ces millions de femmes qui aspirent à être votre égal.
Les démocrates du Monde arabo-musulman ne s’y trompent pas. En voulant parler aux musulmans, vous avez parlé en réalité aux islamistes. Au lieu de parler aux démocrates Arabes, les premiers concernés par la question du proche orient, vous n’avez considéré que les islamistes. L’Autorité palestinienne n’a pas besoin comme vous l’affirmez d’un stage sur la gouvernance. Elle a besoin d’un Etat. C’est à la Knesset non à l’université du Caire, Mister president, qu’il faut imposer 2 peuples 2 Etats, now !
Vous n’avez pas dit un mot sur la liberté de choisir sa sexualité, vous n’avez pas dit un mot à ces homosexuels persécutés, vous n’avez pas dit un mot sur le combat des femmes, et sur les violences dont elles sont victimes. Vous n’avez rien dit sur tout ce qui nous enferme. Mister President, la laïcité, loin d’exclure et d’humilier, c’est l’école de l’intelligence dont Jean Rostand disait qu’elle vise à « former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler », ainsi, « leur donner le meilleur de soi sans attendre ce salaire qu’est la ressemblance. »
Vous dites que l’occident ne doit pas donner de leçon. Je prends acte. Mais l’occident ne doit pas fermer la porte. En balayant les droits fondamentaux, en jouant le jeu du relativisme culturel, c’est en fait la promotion du chacun chez soi que vous faites. Chacun à sa place, dans un face à face. J’entends encore dans votre discours de Philadelphie « beyond the race » qui raisonne comme un espoir à à la femme démocrate, laique et libre que je veux être. Mais le discours du Caire me restera comme une espèce de canada dry du choc des civilisations.
Vous et Michelle Obama êtes le symbole de la page tournée sur l’esclavage. Je me refuse à croire que tout ce que nous proposez, ce soit de nous enfermer sous le voile. Votre histoire personnelle fait écho à des milliers d’enfant en Europe fruit du métissage. Cette jeunesse s’est battu contre le droit à la différence qui entraine inéluctablement à la différence des droits. Vous le savez Mister President, C’est ce même droit à la différence qui a enfermé et enferme des générations de noirs dans les ghettos aux Etats-Unis.
La France n’a pas besoin de recevoir de leçon. Cette terre laïque a permis de creuser pendant des siècles un espace du vivre ensemble. Nul autre pays que la France n’aurait pu rendre possible mon histoire et l’histoire de Ni putes ni soumises. Le débat autour du droit des femmes est lancé de par le monde et notamment, de manière cruciale, dans les pays arabes. Rien ne pourra arrêter cette dynamique, portée notamment par ces femmes au Koweït rentrées dans le Parlement sans voile.
Mister President, NO reconciliation without the women. Yes we are the change. Oui, nous les femmes nous sommes le changement.
Sihem HABCHI
Présidente de Ni Putes Ni Soumises
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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